Quelque peu dannunzien - le jeu interprétatif de Francesca Bertini est franchement opposé à la conception du théâtre de D'Annunzio -, et n'ayant pas comme écrivain de prédilection Zola, j'ai néanmoins beaucoup aimé Assunta Spina. Les scènes particulièrement réalistes de la blanchisserie font d'ailleurs penser à la blanchisserie de Gervaise dans l'Assommoir, et encore aux magnifiques scènes chez René Clément, dont le film Gervaise datant de 1956 est directement inspiré du roman de Zola. Le film Assunta Spina, quant à lui, date de 1915. Muet, sans musique quand je l'ai visionné, avec très peu de paroles, si ce n'est le strict nécessaire (toujours afin de représenter au mieux la réalité) : seule l'image finit par importer et ouvre à une conception différente du cinéma actuel ; tout notre esprit est concentré sur la richesse des détails. L'imagination prend le pas lors des dialogues aphones qui se déroulent sous nos yeux. Même si le film perd une dimension du "napolitanisme", l'aspect oral, la parole vivace, il gagne sur celle de la gestuelle et des paysages méditerranéens splendides - les jeux de lumière sont superbes. C'est à la fois reposant et troublant d'assister à un vacarme qui n'est pas donné de manière sonore, ni même dans l'écriture - surtout quand on aime ce qu'on pourrait appeler un cinéma de dialogues -, par exemple lors de la scène du repas, avec le Vésuve en toile de fond. Francesca Bertini, diva italienne à l'écran, l'est également sur le tournage d'Assunta Spina : elle participe à la mise en scène, elle avance des idées quant aux points de vue ou aux angles des prises de vue. Elle est d'ailleurs indiquée comme co-réalisatrice. Finalement, ce n'est pas, pour ma part, le scénario qui compte (même si le personnage joué par Bertini contient une véritable portée interprétative) : le traitement de la jalousie n'est pas innovant comme chez Svevo et D'Annunzio, ou encore Proust, Colette voire Tolstoï - disons plutôt qu'il est plus délicat à rendre à l'écran dans toute sa complexité - ; l'abnégation finale se retrouve également, avec plus de force, tout récemment, dans Gébo et l'ombre (2012), de Manoel de Oliveira. C'est plutôt la beauté du film qui reste en tête, ce réalisme muet de 1915, avec lequel le spectateur vient coïncider le temps d'une heure.