Forrest Gump est très largement surestimé, mais pourquoi ? Parce que c'est le film touche-à-tout, au scénario riche en rebondissements, qui ne laisse pas le temps au spectateur de se lasser d'une situation, précisément parce qu'elle sera différente dans cinq minutes. En retraçant la biographie rocambolesque de cet homme, on repasse par toute période susceptible de nous avoir émus, amusés ou apeurés personnellement. C'est sûr qu'en ratissant aussi large, on maximise nos chances de toucher du monde.
"Heureux l'imbécile" pourrait résumer le schéma de pensée vers lequel souhaite nous faire tendre Zemeckis. La sagesse ultime, en cela, ne serait pas si éloignée de la bêtise, parce que les deux se rejoindraient dans l'acceptation de l'autre : l'un dans la tolérance ; l'autre dans l'indifférence. Cette thématique pourrait être pertinente, si elle était traitée d'une autre façon.
Et c'est là le véritable point faible de ce récit : sous couvert de niaiserie, de réflexion détachée sur des phénomènes sociaux et politiques, Forrest Gump s'ancre, nécessairement, quelque part. On discerne le patriotisme du film, à travers une guerre du Viêt Nam édulcorée, des intrigues présidentielles appuyées, une réussite sportive exagérée et une valorisation de l'innovation entrepreneuriale.
Les militants pacifistes sont traités de haut. La mère de Forrest profère des raccourcis intellectuels parfois douteux. L'amie d'enfance ne sert, hélas, qu'à donner des moments comico-héroïques à Forrest. Bref, pas mal de détails, qui, mis bout à bout, nous laissent sceptiques. Le choix de faire interpréter un simple d'esprit par un acteur qui ne l'est pas peut aussi laisser perplexe.
Enfin, peu d'élan artistique de la part de Zemeckis, qui déroule sa partition sans prise de risque scénique, sans surprise, sans dévoiement. Il reste dans les codes académiques du cinéma hollywoodien, de la même manière que Forrest reste dans les attentes du bon petit soldat américain.