Primo, l'adaptation n'est pas complètement fidèle. Angelo condense le refus de Chabert, en enlevant la scène où la comtesse, croyant ne pas être entendu de lui, demande à son avoué si Chabert a signé. Dommage.
Secondo, le scénario fait de Derville une sorte de justicier : dans la nouvelle, l'avoué a tellement à faire qu'il finit par oublier Chabert, sinon pour réclamer remboursement de son avance. Mais, dans le film, Derville venge Chabert en annonçant au comte Ferraud que son mariage peut être annulé, et obtient pour Chabert une compensation. Fin heureuse bien moins sombre que la fin de la nouvelle.
La réalisation d'Angelo est intelligente. La reconstitution du cabinet d'avoué de Derville est superbe ; je pensais à une gravure (il n'y a que le jeune Simmonin qui faisse trop lisse). Les scènes de reconstitution de la bataille d' Eylau, avec ses lents travellings vers le bas ou latéraux, sur fond de musique douce au piano, suggèrent magnifiquement la violence qui continue à hanter Chabert. Le dernier plan du film figure parfaitement cet enfermement.
Les dialogues sont bons, voire excellents ; c'est une bonne idée de celle de développer les intrigues du comte Ferraud pour devenir pair de France - quelque chose sur lequel Balzac n'insiste peut-être pas assez dans la nouvelle.
La reconstitution des intérieurs est convaincante, même si je n'ai pas bien compris pourquoi Angelo avait tenu à transformer Vergniaud, le vieil ami crémier de Chabert, en un bretteur qui loge Chabert dans une grange avec des ours polaires . La présence de plantigrades de Slovénie auraient été bien plus plausible.
Le choix de Luchini pour Derville est une idée originale ; il campe un notaire sémillant , voire précieux, lucide et également désabusé.
Le choix de Fanny Ardant me convainc, et toute la galerie de seconds rôles est savoureuse, de Prévost en Boucquart et de Elmosnino en Godeschal .
Une mention spéciale pour Claude Rich en pair de France cynique et maneuvrier.
Depardieu tient fort bien le rôle principal, ; il fait bien ressentir le côté perdu de Chabert, hanté par son passé, ainsi que son côté anachronique ( étonnante scène où il intrigue les enfants de la comtesse), il parvient p à rendre la violence contenue, toujours prête à éclater, du colonel.
Une scène d' anthologie : la rencontre initiale entre le notaire et le colonel ; un bijou !
Ce film est une adaptation littéraire on ne peut plus honorable ; pas complètement fidèle certes, mais qui m' a rempli de joie.