Malgré la réussite de l’épisode précédent, les producteurs de la Hammer ont considéré (un petit peu à juste titre tout de même) que la saga "Dracula" arrivait à bout de souffle. L’heure était, donc, au renouvellement… et c’est peu dire qu’ils n’ont pas lésiné sur les moyens puisqu’ils ont carrément envoyé le Comte faire un bond temporel d’un siècle pour le faire atterrir dans le Londres des années 70… le tout en prenant soin de ne pas faire le moindre lien avec les opus précédents (alors que la tradition voulait, jusque-là, que chaque suite résume ou évoque les événements de l’épisode précédent). On se retrouve, donc, entouré de jeunes à cheveux longs, qui "font l’amour pas la guerre" et s’adonnent à toutes sortes de consommation de stupéfiants en écoutant de la musique pop... le tout sous le regard horrifié de la bonne société anglaise
(ah, la scène de la fête en début de film).
A ce titre, "Dracula 73" peut se regarder comme un intéressant témoignage de l’époque et, surtout, de la façon dont la vieille Angleterre voyait sa jeunesse, décrite comme droguée, inconséquente, dépravée, etc… Rien que pour ça, le film vaut le coup d’œil et rend acceptable le fait qu’il ait été fait table rase du passé. Seul vestige à être sauvé de ce rasage en règle : Van Helsing, qui s’offre un come-back auquel on ne croyait plus depuis longtemps et qui marque, ainsi, le retour de l’impérial Peter Cushing dans le rôle. On imagine aisément ce qui a poussé les pontes de la Hammer à jouer la sécurité en faisant, à nouveau, appel à leur acteur iconique au vu de la perte de tous les autres repères habituels de la saga. Le film s’ouvre, donc, sur une confrontation classique entre Dracula et Van Helsing au 19e siècle
et une énième mort du Comte
… puis nous transporte, sans crier gare, dans les années 70 par le biais d’une explication en voix-off bien pratique et d’un générique hautement perturbant où se mêlent voitures, routes bétonnées, tours citadines et autres avions, le tout sur une musique contemporaine bien différente des partitions baroques habituelles de James Bernard. Ce parti-pris constitue, certes, l’originalité du film (c’était la moindre des choses !) mais, également, son principal défaut puisque, tout sympathique soit-il, "Dracula 73" ne parvient pas à renouer avec l’essence de la saga qui, privée de son décorum et de ses codes à l’ancienne, se retrouve perdue dans un univers qu’elle ne maitrise pas et où la concurrence l’écrasera rapidement. Rappelons, à titre d’exemple, qu’à la même époque, sont sortis des films comme "Massacre à la tronçonneuse" et "L’exorciste"…qui ont sonné le glas de l’horreur "classique". Autre problème, "Dracula 73" porte les stigmates de la fin de règne de la Hammer, avec un budget plus serré qui se voit à l’écran (image moins soignée, BO sans grand intérêt, décors moins travaillés…) et une histoire qui, malgré le bond dans le temps, manque très singulièrement de renouveau. L’intrigue suit la même logique que ses prédécesseurs
(résurrection, tuerie en cascade, confrontation finale, mort)
et parait même calquée sur celle de "Une messe pour Dracula" puisqu’on retrouve
le concept du groupe en manque de sensations fortes, le sataniste charismatique par qui le malheur va arriver et l’inefficacité de la police à comprendre la série de meurtres
. Pour autant, le film peut s’appuyer, pour la première fois depuis des (trop) longues années, sur la présence des deux stars du studio, Christopher Lee (à nouveau armé de vrais dialogues et d’une palette de jeu plus variée) et Peter Cushing (toujours aussi imposant malgré les années), à nouveau réunis sur grand écran pour le plus grand bonheur des fans. Même plongé dans le Londres des 70’s, le duo n’a rien perdu de sa complémentarité et surclasse, sans peine, le reste du casting. Les seconds rôles ne sont pas, pour autant, déshonorants puisqu’on retient, notamment, les prestations de Christopher Neame en sataniste (qui parvient à exister face à Dracula), de Michael Coles en flic pas si obtus que ça et William Ellis en gentil camé. La Hammer reste, également, fidèle à sa ligne de conduite "sexy" avec la présence de la blonde Stephanie Beacham en virginale petite-fille Van Helsing et la brune Caroline Munroe en bombe sexuelle dépravée (trop rapidement dégagée, néanmoins). Malgré tous ses efforts, "Dracula 73" n’en demeure pas moins inférieur à l’ensemble de ses prédécesseurs mais reste une curiosité intéressante que tout fan de la Hammer se doit d’avoir vu.