Gaspar Noé est la figure typique du cinéaste mal aimé et incompris, notamment du fait de la violence et de l'ambiance très noire de ses films décrié par certains comme de la provocation pure et dure. Quand on regarde l'ensemble de ses films présentés à Cannes, on note « Irréversible » avec Cassel, Belucci et Dupontel qui a été synonyme d'effroi sur la croisette notamment à cause de la scène de viol, particulièrement réaliste. Vint ensuite « Enter the void », encore une fois hué par les spectateurs, toujours pour les thèmes traités par Noé, drogue, alcool, prostitution, etc... Uniquement ce « Seul contre tous » fait l'objet d'un long-métrage présenté normalement, aux réactions plutôt « normales ». En effet, dans la filmographie du cinéaste, « Seul contre tous » constitue son œuvre maîtresse, celle ou il parvient à conter une histoire poignante, avec un bon humour noir, et ou son imagination et le talent de sa mise en scène atteignent leur apogée.
Certainement le moins violent des Noé, l'histoire reste toujours noire en filmant l'excellent Philippe Nahon dans le rôle d'un ex-boucher cherchant un travail dans le Paris des années 80. En proie à toute une palette de gueules semblant sortir de bandes dessinées caricaturales, le boucher, par une voix-off omniprésente, sombre petit à petit dans la folie dû à une rage meurtrière qu'il exprime vis à vis du monde entier.
Déjà plutôt dérangé dans le moyen métrage « Carne », les pulsions du boucher cognent plus ici. Mais l'important est l'humour omniprésent, un humour noir et grinçant permettant au spectateur de plonger intégralement dans l'esprit du personnage principal, à la manière du tueur dans l'excellent film de Gerald Kargl, « Schizophrenia », film fétiche de Noé justement.
La mise en scène fait preuve d'une grande originalité, et filmer ce Paris décadent et sale apportent une touche « grandguignolesque ». La plume de Gaspar Noé fait des étincelles avec des dialogues minutieux et inventifs, grande violence dans le vocabulaire d'ailleurs.
« Seul contre tous » est une œuvre unique et réussie, à l'ambiance étrange et dérangeante rappelant l'univers de Caro et Jeunet et des films comme « Délicatessen » ou « La cité des enfants perdus », le scénario cru en plus.
Noé nous a pondu son chef d’œuvre, en espérant que le bonhomme revienne à son point culminant afin de nous gratifier encore une fois d'un délire de la sorte.