Jack Nicholson dans la peau d'un loup-garou peu vite faire ridicule, surtout au milieu des années 90 où le sous-genre était déjà bien abîmé par les suites de "Hurlements" toutes plus mauvaises les unes que les autres. Mais c'est sans compter sur le savoir-faire de Mike Nichols dont l'habitude n'est pourtant pas de toucher au fantastique. Et c'est justement là que le film, sorti en 1994, est intéressant car ce n'est pas juste un film de loup-garou. Nous suivons ici Will Rendall, travaillant dans le monde de l'édition, dont le poste est menacé par un petit nouveau, Stewart, qui couche en plus avec sa femme. Alors oui, jusque là, rien à voir avec la lycanthropie simplement car je n'ai pas précisé que Will a été mordu par un loup dans la scène d'introduction et va ensuite développer des capacités hors du commun en développant notamment ses sens comme l'odorat et l'ouïe par exemple. Mais pourtant, ce côté fantastique n'arrive pas tout de suite (hormis la scène introduction), nous suivons en effet Will et Stewart dans le monde du travail bien trop longtemps pour que ce ne soit simplement qu'un élément de contexte. En effet, de qui intéresse réellement Nichols ici, c'est l'univers du travail américain et le monde de requin qu'il représente. Dans le film, il faut littéralement se battre pour obtenir ou garder son poste, toujours être dans le dépassement de soi jusqu'à s'esquinter la santé. D'ailleurs, Will n'est pas dupe : il a retrouvé une seconde jeunesse mais il a conscience qu'il y aura un prix à payer, finalement comme les travailleurs américains de Wall Street qui consomment de la drogue pour tenir la cadence. Et ainsi, avec cette parabole sur le monde du travail, le film n'est finalement pas si éloigné des thèmes de Mike Nichols, on peut même le définir comme étant un "Working Girl" fantastique. Néanmoins, le réalisateur n'en néglige pas l'aspect horrifique pour autant ; alors certes le film n'est pas effrayant et il n'y pas de gore mais l'ambiance inquiétante est là et les personnages le sont d'autant plus, notamment Stewart auquel James Spader apporte un regard particulièrement perçant et angoissant. Pour rester rapidement sur les acteurs, nous avons également Jack Nicholson qui joue très bien, de même que Michelle Pfeiffer. L'aspect angoissant du film passe également par la mise en scène, toujours aussi maitrisée chez le réalisateur, qui se fait de plus en plus nerveuse à mesure que l'intrigue progresse. "Wolf" est donc un film maitrisé, autant dans son sujet, son thème et ses-textes que dans sa mise en scène.