En 1944 sortait sur les écrans "Assurance sur la mort", le quatrième film américain concocté par Billy Wilder, alors en contrat avec la société de production Paramount.
Basée sur un recueil de nouvelles de James M. Cain (auteur du "Facteur sonne toujours deux fois", scénariste pour "La griffe du passé" (de Tourneur)...), Wilder, pour adapter l'ouvrage, engage Raymond Chandler. Il est considéré, avec Dashiell Hammett, l'inventeur du film noir. Et Wilder d'assumer ici la mise en scène (on en parlera plus bas).
Raymond Chandler est le créateur du fameux détective Philip Marlowe pour "Le grand sommeil" incarné par le non moins mythique Bogart au cinéma. Chandler se fait aussi scénariste et signe le scénario du "Dahlia bleu" (avec Alan Ladd).
"Assurance sur la mort" est souvent décrit comme premier film noir. D'autres considèrent "Le faucon maltais" (1941, aux Etats-Unis !) (toujours avec Bogart) être le premier du courant.
"Assurance sur la mort", synopsis : l'employé d'une assurance tombe amoureux de sa cliente et échafaude un plan pour toucher l'assurance souscrite au mari.
Fort d'un scénario au diapason (merci Cain et Chandler), Billy Wilder (qui tient ici deux casquettes : réalisateur et scénariste) se fait l'assurance de briguer son film d'éléments propres au film noir.
Tout d'abord, je tiens à préciser que l'ensemble du film se déroule dans une ambiance, certes délétère à souhait, mais qui a l'art d'immerger le spectateur dans l'essence même de la déchéance humaine. A cela, la composition ressentie aujourd'hui comme étonnamment étrange de Barbara Stanwick (Véritable icône d'époque. En atteste "Boule de feu" d'Hawks, "Les furies" d'Anthony Mann...) apporte toute la profondeur de son personnage. En campant le rôle d'une femme fatale, elle donne une impression de déjà-vue même si c'est elle qui apporte tout le savoir-faire d'une interprétation de femme vénéneuse, d'une vamp prête à tout pour son argent. Et les Jeanne Moreau, Thurman et autres Pfeiffer de se calquer sur l'interprétation sans doute assourdissante hier de Barbara mais qui fait kitsch 69 ans après. Logique. Pour finir de parler du casting, il reste Edward G. Robinson (vu chez Curtiz ("Le vaisseau fantôme"), John Huston ("Key Largo"), Jewison ("Le kid de Cincinnati")...), super dans le rôle du détective. Avec le temps, il reste une attraction sympathique mais sans plus. Merci Edward. Dans le rôle principal, Fred MacCurray (il a joué pour Dmytryk pour les besoins de "Ouragan sur le Caine") fait illusion, tout simplement. Dommage.
Pour continuer à parler atmosphère, Wilder embaume son histoire dans une musique qui se fait vieillotte au début, mais qui a l'art de se comparer à des partitions hermaniennes par la suite. Très bon point Miklos Rosza ! On lui doit les compositions de "La maison du Dr Edwardes" (de Sir Alfred bien sûr !), "Quo vadis" (avec l'inébranlable Robert Taylor), "Ben Hur"... .
Dotée d'une musique atmosphérique et d'un style indéniable qui en ressort, Wilder construit son film avec une minutie implacable. Montage, cadrage des plans et réalisation : rien n'est fait au hasard. Cette impression de brouillard dans ce noir et blanc armé, c'est juste un tremplin pour mieux cerner et donc berner le spectateur. Ces images qui défilent, la voix-off du personnage qui raconte l'histoire à la Orson Welles, sont autant de témoignages pour prouver qu'il s'agit d'une mixture cajolée par un maître en la matière, Billy Wilder. A commencer par le générique de début, sublime à souhait. Et surtout, ce mélange de brouillard qu'on retrouve dans l'écriture des personnages. Une ambiance, poisseuse, qui colle au film et imprègne cette sensation de mal être au fur et à mesure que le film avance. Coups de bluff de la part de Wilder qui font qu'on veut bien rester jusqu'à la fin du film. Merci Billy.
"Double indemnity" / "Assurance sur la mort" est considéré pour ces raisons comme un chef d'œuvre du film noir. Pour moi, il s'agit simplement d'un classique (la scène d'intro est la même que "The barber, l'homme qui n'était pas là") qui commence à vieillir malgré la parfaite maîtrise du futur réalisateur de "Certains l'aiment chaud".
Un joyau du genre donc ancré à merveille dans l'univers des 40's. Wilder ou l'art de nous divertir avec ses mains d'artisans.
Spectateurs, regardons pour la culture du cinéma.