Carpenter se retrouve aux manettes de son premier film de commande pour un studio (Universal) avec le remake de « La chose d’un autre monde » (1951). Les ingrédients de base de la version originelle sont les mêmes, mais exit la « chose » d’origine végétale, avec son grand front, ses grandes griffes et assoiffée de sang, au profit d’une menace invisible, plus cynique, plus perfide. Un organisme protéiforme, intelligent, capable de se métamorphoser en imitant a la fois le physique mais aussi le comportement de ses victimes. Rob Bottin va matérialiser ces visions cauchemardesques en réalisant des effets spéciaux d’anthologie, entre latex et animatronique. La description du processus de mutation des victimes, avec de longs plans où on parvient sans mal à reconnaitre le visage des victimes (hommes comme chiens ) transformées en créatures hybrides, entre monstre et organisme vivant, est littéralement hallucinant ! Les attaques de la « chose » sont tout aussi bluffant, et fulminent lors d’une confrontation finale dantesque.
Si j’ai eu le bonheur de découvrir « The Thing » au cinéma à sa sortie, plusieurs visionnages dans mon salon, dont celui pour l’écriture de ce papier, me permettent d’affirmer que 33 ans après l’effet reste intact! Mais la ou Carpenter enneige définitivement « la chose » de 1951 , c’est avec une mise en scène jouant la carte de la paranoïa, utilisant habilement les codes du huis clos, pour bâtir dans cet univers claustrophobique une ambiance de terreur étouffante. Un climat oppressant qui atteint des sommets avec la scène du test du sang, pour déceler les « infectés », et le pétage de plomb de Blair (Wilford Brimley) détruisant tout moyen de contact et d’échappatoire (radio, véhicules, chiens ) .
Carpenter n’oublie pas de glisser astucieusement quelques jump scare, avec entres autres cette apparition très Hallowenesque de Blair surgissant plein champ ou cette silhouette qui passe rapidement devant Fuchs, et d’autres effets d’« épouvante » comme la scène très « gosht movie » de la poignée qui bouge. L’ensemble est renforcé par une musique additionnelle (le reste du score est signé Ennio Moriconne) composée par Carpenter au synthé avec juste 2 notes…comme pour simuler un battement de cœur.
Le casting, excellent, est dominé par Kurt Russel en anti héros au look improbable, la barbe touffue, un blouson aviateur et un chapeau de cow-boy sur les épaules, contribuant a iconiser son personnage, a la manière du Snake de « NY 1997 ». « The Thing » est une œuvre sombre et profondément pessimiste, l’ambiance paranoïaque n’étant jamais perturbé par un trait d’humour est ainsi maintenue de la traumatisante scène d’ouverture avec la chasse du chien en hélico, jusqu’à la conclusion avec les deux survivants.
Une noirceur qui contribuera lors de sa sortie, confrontée au phénomène « E.T. » (en salle au même moment) et une très mauvaise presse, a un semi échec commercial.
Au fil des années le film sera réhabilité et accèdera rapidement au statut de culte et de chef d’œuvre de l’angoisse! A partir d’un « monster movie » Carpenter réalise un film de « science fiction – Horreur », genre dont « The Thing » reste à ce jour, avec le «Alien » de Riddley Scott, la référence absolue.