Quand on parle de The Thing de John Carpenter, on pense classique de l’horreur. Plus de 30 ans après sa sortie en salle, ce film culte n’a pas perdu de son charme ; on pourrait même aller jusqu’à dire - et je m’y risque - qu’il n’a pratiquement pas vieilli. The Thing est l’adaptation du livre La Bête d’un Autre Monde (Who Goes There ? dans son titre original) de John W. Campbell Jr., l’une des figures de proue de la littérature de science-fiction de la moitié du XXème siècle. L'histoire s'articule autour d'une forme de vie extraterrestre métamorphe, qui infiltre une station de recherche scientifique norvégienne du continent Austral et tue l'équipe de recherche. Une équipe de chercheurs américains à proximité de l'incident mène l'enquête et est à son tour attaquée par la créature. Nous allons voir pourquoi ce film a obtenu le statut de film culte de l’horreur.
Le scénario, écrit par Bill Lancaster, nous offre une histoire où les mots d’ordre sont tension et mystère. The Thing nous présente une créature comme jamais vue auparavant, un monstre Alien qui peut se transformer en n’importe quel organisme vivant. Ses cellules sont autosuffisantes et l’une d’entre elles peut évoluer indépendamment du reste du corps ce qui fait que même si les protagonistes arrivent à le tuer, le brûler, il n’est jamais complètement mort. Cet aspect rend le monstre pratiquement invincible et met les personnages dans une position où ils ne peuvent gagner, c’est pour cela que la fin du film va cultiver cette ambiguïté. L’environnement même dans lequel se déroule l’action est un élément clé de l’horreur du film. L’équipe scientifique est isolée sur un continent où aucune civilisation n’existe, ce qui fait que, quoiqu’il arrive, personne ne viendra les sauver, ils sont tout seul dans un huis-clos. De même, les enjeux de l’intrigue sont immenses car si la bête arrive à fuir, c’est la race humaine dans son intégralité qui est menacée ce qui donne énormément d’importance aux actions du film.
L’élément central de l’horreur du film, et même l’élément central du film tout court, est le monstre, la « Chose » si on veut être plus précis. L’intérêt de cette chose est qu’elle n’a jamais été vue sur un écran auparavant : le spectateur mal informé ne sait pas à quoi s’attendre avant de voir le métrage et Carpenter va miser sur cette peur de l’inconnu. Carpenter cultive d’ailleurs cette ignorance en introduisant la créature sous sa forme canine : jusqu’à la révélation de la bête, le réalisateur filme le chien de manière à nous faire comprendre, sans aucun dialogue, que l’animal représente un danger pour les protagonistes. La peur vient donc de l’insécurité constante du fait que la bête peut avoir pris la forme de n’importe qui et cette recherche est centrale à l’intrigue.
Le tour de force de The Thing, et ce qui fait que je lui donne le titre de film intemporel, c’est ses effets spéciaux et ses maquillages. Rob Bottin, l’artiste à l’origine du design de la créature, a fait un travail remarquable. On ressent bien cet aspect organique et élastique à tel point que l’on dirait vraiment de la chair. En plus de ce travail de maquillage, certaines scènes valent la dénomination de scènes cultes comme la scène des tests de sang, marquée par une tension intenable.
Côté réalisation, on retrouve un travail sur les lumières avec des blancs et des noirs saturés pour contraster entre la neige et l’obscurité ; de même, certaines scènes présentent des couleurs rouges et bleue tout simplement magnifiques qui donnent un cachet à l’image toute fois très agréable. Mis à part cet effet purement plastique, Carpenter garde une mise en scène au service de son histoire ; il aime dans ses films d’horreur faire des plans qui créent une ironie dramatique : il va nous montrer la créature alors que les personnages ne la voient pas pour nous donner un avantage, mettre les protagonistes en position de faiblesse.
Les acteurs sont plutôt corrects et Kurt Russel possède son rôle sans non plus viser la perfection. On sent leur peur dans l’alchimie que chaque personnage entretient avec les autres mais c’est vrai que, mis à part un ou deux, ils ne transpirent pas vraiment la terreur. De toute manière, les personnages ne sont là que pour servir le récit, ils ont une fonction et c’est leurs actions plus que leur personnalité qui font avancer l’intrigue. Ils ne doivent pas faire d’ombre à la vraie vedette du film : la Chose.
Le film est servi par le compositeur reconnu Ennio Morricone qui nous créer une bande-originale dont les sons évoquent la découverte, le mystère, la tension. Cependant, bien que de bonne qualité, la musique ne vient jamais au premier plan, elle n’a pas de thème marquant, mais c’est sans importance et cela ne dessert en aucun cas la qualité générale de l’œuvre. C’est l’un des seuls films où Carpenter n’a pas composé lui-même sa musique mais on y retrouve sa pâte : du synthétiseur avec une mélodie répétitive.
Comme vous l’aurez compris, j’aime ce film mais, plus que cela, il me fascine et j’aimerais finir cette critique par ma propre analyse de The Thing d’après à la fois mon ressenti sur l’œuvre et ma connaissance de John Carpenter. Le huis-clos chez Carpenter permet pour lui de montrer la nature même de ses personnages. Dans la solitude, ils doivent s’affronter eux-mêmes et leurs démons : l’antagoniste de ses films représente le Mal et, ici, la Chose est, dans cette logique, la part sombre qui sommeille en chacun de nous. Cette part d’ombre ne peut être tuée quoi qu’il arrive, c’est pour cela que la créature semble invincible.