Dès qu’on parle du cinéma de Jodorowsky, on aborde invariablement la dimension mystique et ésotérique de ses films, comme si c’était l’unique particularité de son œuvre. Il est évident que la construction récurrente de ses films sous la forme de la quête, personnelle, existentielle ou spirituelle, est une composante importante de son cinéma car elle est indiscutablement une composante importante de la vie même du cinéaste. Et la vie du cinéaste contamine, imprègne profondément tous ses films. En cela, Jodorowsky est un vrai cinéaste (il a une très haute conception du cinéma) et un grand artiste, car il ne fait aucune concession sur ses films : il nous montre son univers, ses fantasmes, ses obsessions, et développe son propre langage cinématographique, à nul autre pareil. En voyant un film comme El Topo, je ne suis pas particulièrement sensible aux thématiques de fond, à ce symbolisme bouddhismo-soufismo-cabbalien qui ravira les nostalgiques du Flower-Power, même si je reconnais qu’il recoupe souvent des thématiques qui me sensibilisent davantage. En revanche j’apprécie grandement comment ces thématiques me sont données à voir, et à entendre. Jodorowsky est pour moi, d’abord et avant tout, un très bon metteur en scène. Il ne faut pas occulter cette dimension de son cinéma car c'est elle qui élève ses films à un niveau plus universel, et qui les rend potentiellement intéressants à tous. Dans El Topo, le cinéaste transforme radicalement les codes du genre (le western), se réappropriant entièrement les figures classiques de ce cinéma, à commencer par celle du cow-boy. Et il le fait, au-delà des thématiques de fond, par son langage cinématographique propre, très riche de part sa diversité multidimensionnelle, avec notamment une utilisation très intelligente du son. Ce sont pour ces raisons que pour moi, El Topo est effectivement un très bon film.