Après le premier visionnage, je ne savais pas si j'aimais ou si je détestais ce film, quelle approche utiliser pour établir un avis, une critique pertinente, je n'ai même pas de comparatif, d'ailleurs ce film n'en a même pas lui non plus, tellement c'est un ovni dans sa catégorie.
Il s'agit ici d'un film expérimental, donc par conséquent loin des clichés habituels d'Hollywood, que ce soit le classique ou le nouvel Hollywood. Le premier visionnage peut être éprouvant, on peut ne rien comprendre à des scènes qui s'enchaînent sans réelles transitions, un montage catastrophique, des costumes à la WTF, on est dans un western et un méchant monsieur porte du rose et l'on peut apercevoir que la femme que récupère le héros est habillée comme en 1969 à Woodstock...
Pour un spectateur né dans Terminator, Jurassic Park et Le Seigneur des Anneaux, enfin on va pas se mentir, la grosse machinerie hollywoodienne quoi, ce film peut paraître complètement déroutant. Je suis dans ce cas.
De plus d'être un ovni non "catalogué" dans les oeuvres commerciales uniquement centrées sur le divertissement du cinéma d'Hollywood et des grosses maisons de production, et de n'avoir strictement rien à voir avec le Western classique des années 60 à 70, El Topo n'a rien non plus à voir avec le cinéma dit indépendant, plus centré, plus axé sur une réflexion psychologique et délaissant le côté commercial pour montrer que le cinéma est avant tout le 7 ème art avant d'être la plus grosse industrie du monde. Ici, on tombe dans le mysticisme, le culte du pouvoir, de la violence, de l'amour avec un monstrueux et violent point de vue, celui de Jodo, véritable maître en la matière. Cette oeuvre est donc terriblement incompréhensible dès le premier abord. Mais alors, quelle note mérite t il ? Comment percevoir et critiquer ce film ? Cette oeuvre est avant tout avant-gardiste et son créateur est l'un des maîtres du cinéma expérimental. C'est également le premier des "midnight movie", mais est-ce un chef d'oeuvre ? La notion de chef d'oeuvre n'est pas à prendre à la légère, le chef d'oeuvre est unique, original, sans aucune fausse note, influent dans son art, le meilleur de sa catégorie, de son créateur. Le cinéma expérimental, je le vois comme du cinéma "brut", comme un album de Thrash Metal tourné dans un garage sans studio ni égalisateur, pas forcément mauvais, mais avec une production très "brouillon", comme si l'on assistait au prototype de quelque chose de révolutionnaire, au stade initial. Ici El Topo pourrait être un chef d'oeuvre du cinéma expérimental, mais en aucun cas un chef d'oeuvre du cinéma tout court, qui possède ses codes, ses clichés (certains désagréables, d'autres non), ses dieux vivants et ses œuvres phares.
Ce film est donc à revoir une deuxième fois, pour ne pas être pris au dépourvu, pour essayer de comprendre et de se faire sa propre opinion sans se laisser influencer par les didacts imposés par les codes du cinéma actuel. Ce film doté d'une première partie assez intéressante (la quête violente pour tuer les maîtres du désert après avoir libéré la femme et laissé le gosse aux moines), on sent clairement que ce film est en avance sur son temps, mais ça s'essouffle trop vite, quand on voit la deuxième partie
quand la femme tire sur El Topo et le trahit, montre l'antagoniste principal essayer de revenir sur le droit chemin, faire une bonne action quand il décide d'aider un groupe de personnes handicapées
ce soudain revirement scénaristique enlève une force présente dans le début du long métrage. Mais n'en reste que la fin ultraviolente est assez magistrale.
Malgré cela au deuxième visionnage, ce film regorge d'une indéniable qualité, celle pour le spectateur d'approcher cette oeuvre de la manière qu'il veut, il n'y a pas de moralité ou de leçon de vie imposée ici, quelqu'un qui verrait en ce film un chef d'oeuvre empli de philosophie n'aura ni tort ni raison, de même que celui qui verrait El Topo comme une mascarade, car il n'aura pas compris le sens de ce film.
7/10 et après mon baptême dans le cinéma dit expérimental, je vais me lancer à la recherche de La Montagne Sacrée car si ce cinéma est terriblement différent de ce que j'ai l'habitude d'aller voir au cinéma, ça reste du cinéma "brut" mais poétique, et sa technique assez avant-gardiste et essayiste d'aborder des thématiques complètement déroutantes dans le cinéma (mélange de mysticisme et de western, en 1970 dans une époque bien centrée sur le psychédélisme) est une perle du septième art.