Bienvenue dans le western des barjos !
Au premier abord (et peut-être même jusqu'au dernier, à vous de voir si l'envers du décor va vous surprendre), "El Topo" fait très amateur avec des scènes dignes d'un vrai nanar collector ; on se croirait dans "Turkish Rambo" par moment. On se demande si l'on est pas en train d'assister à la caricature d'un mauvais western. Coupures, enchaînements, dialogues (pour le peu qu'il y en ait), effets spéciaux, beaucoup d'aspects de ce "El Topo" seront d'une laideur sans nom, de quoi partager le ressenti des spectateurs à l'époque de la sortie du film. Mais, ce film est également un sacré ovni, cherchant la spiritualité avant tout, de quoi remettre en cause notre jugement quant à ce long-métrage. Bien qu'"El Topo" ressemble physiquement à un sacré nanar, s'assimilant à une espèce de western brouillon au réalisme zéro non loin de côtoyer la comédie ringarde et absurde, il n'en demeure pas moins un film, certes ambitieux (tout comme l'est son metteur en scène), mais clairement original et unique. Le nombre de scènes haut-perchées ne se comptent même plus, il en sera même impossible de cerner la symbolique qui se cache derrière chacune d'entre elles (si symbolique il y a), car tellement tirée par les cheveux qu'on en viendra à douter fortement. Si l'on suit le scénario bêtement sans la moindre réflexion, l'histoire se résume à celle d'un jeu vidéo le plus basique qui soit, à savoir vaincre 4 boss à la suite avec une technique propre à chacun. Jodorowsky cherche à proposer un style nouveau, il cherche à donner une richesse supplémentaire au cinéma (comme a pu le faire Stanley Kubrick avant lui). Ici, c'est bien celle de la spiritualité qui est recherchée ; mais le résultat n'en sera pas forcément concluant. Était-ce dû à ses idées trop complexes à mettre en scène ? Sûrement, car il faut bien l'avouer, le spectateur aura extrêmement de mal à se projeter dans cet ovni. Jodorowsky pense avoir fait de l'art avec ce film, libre à lui de le voir sous cet angle, mais le spectateur, lui, ne pourra voir autre chose qu'un projet délirant ou le non-sens prendra le dessus ; le délire imaginatif du cinéaste étant poussé à son paroxysme, le film en deviendra purement incompréhensible par moment. Dans ce long-métrage, la folie est présente, mais clairement mal exploitée, mal mise en scène, et le résultat en sera loin de l'objectif escompté. On peut comprendre que certains spectateurs soient captiver par le cinéma de Jodorowsky, car tellement barré, absurde et original qu'il apporte quelque chose de nouveau au cinéma. Par son style unique, nous pourrions le qualifier de cinéma expérimental oui, mais il sera difficile de le qualifier de spirituel tant il n'apporte rien sur ce plan. Également, nous ne pourrions pas le qualifier de remarquable cinématographiquement parlant, c'est pourquoi il faudra s'intéresser en priorité à l'aspect mystérieux qui réside derrière ces images plutôt qu'à son esthétique et sa technique. Durant deux heures, "El Topo" est une succession d'idées déjantées sans réel contexte, composé de deux parties bien distinctes, avec un rendu davantage saccadé que fluide. Mais voilà, plus le temps passe, plus on se laisse prendre au jeu, et même si totalement réfractaire au nanar présenté dans les premières minutes, on se laisse diriger par notre curiosité, à la découverte de la prochaine scène absurde que le cinéaste souhaite nous faire partager, que par le scénario en lui-même dont on se cognera éperdument.
Au final on ne sait pas si l'on doit apprécier ou non ce film de Jodorowsky, c'est laid mais c'est original, c'est très perché mais pas assez réfléchi, c'est un pot-pourri d'idées absurdes, un film très personnel, trop même, où règne avant tout la provocation (à base de sang et de sexe). Alejandro Jodorowsky a les yeux plus gros que le ventre, et l'ambition plus grosse que ses capacités, en tout cas en matière de cinéma. Et c'est donc pour palier à ce problème qu'il souhaitait s'entourer de tous les plus grands dans chaque catégorie pour son projet inabouti "Dune".