Pendant la révolte du Sinn Fein à Dublin, en 1922, le dévoué Gypo Nolan est exclu du mouvement terroriste pour avoir refusé de procéder de sang froid à une exécution. Soupçonné par les deux camps, sans travail, il s’enfonce alors dans une vie misérable, sa copine se prostituant pour que le couple puisse subsister. Il dénonce un ami recherché par les Anglais, pour ving livres...
Réduite à douze heures l’action a pour cadre les bas-fonds de Dublin. Il est néanmoins difficile de parler d’unité, tant elle se compose d’actions et réactions secondaires formant ainsi l’ensemble tragique dans lequel se débat le mouchard. Comme dans « Arrowsmith », et plus tard dans nombre des films du maître, un individu est aux prises avec une collectivité hostile. Mais cette fois, c’est cette dernière qui se défend d’un traître. En se plaçant à ses côtés, Ford et son scénariste Dudley Nichols choisissent un cheminement objectif pour but de découvrir sa personnalité et de comprendre son geste, sans l’excuser pour autant. Le drame moral du personnage qui comprend la portée de ses actes, avec la déchéance psychologique qui s’en suit, devient donc le thème central du film. La mise en image enrichit cette analyse externe du caractère en l’intériorisant selon un procédé classique chez Ford, hérité du cinéma Allemand. Dans un décor réaliste (besoin de faire vrai, mais pas obligatoirement authentique), baigné dans un jeu d’ombre et de lumière, dans des ruelles étroites et brouillardeuses, propice à toutes les planques, les éclairages projettent des ombres qui sont le reflet de l’agitation intérieure qui submerge le personnage. La symbolique est en effet dans chaque scène. L’argent donné à l’aveugle pour acheter sa propre conscience à la sortie du commissariat. Le plafond bas de la taverne qui représente le remord qui l’écrase. Le sentiment que tout ce qu’il approche s’enlaidit comme la scène de la prostituée appuyée contre un réverbère qui semble belle et romantique de loin et qui devient laide et vulgaire de près (procédé qu’utilisera Kubrik dans the Shinning avec la scène allégorique de la perte de l’attrait une fois la possession obtenue avec la femme devenue vieille). Les pièces de monaoe qui tiombent sur le sol lors de la veillée funèbre (admirable composition picturale dont toutes les lignes de forces finissent sur elles)…
Le cadrage resserré, au service d’une mise en scène d’une densité impressionnante (pas une seconde à enlever, pas un plan qui ne soit plein) apporte à l’ensemble une pâte étouffante et déstabilisante, souligné par la fine et toujours juste partition de Max Steiner (elle annonce ce que sera la musique de film dans la décennie suivante). The Informer est une des oeuvres les plus irrespirables qui soient.
Malgré ses qualités et même si l’auteur ne fait aucun prêche moral, il est difficile d’adhérer aux actions de cet anti-héros (une « balance »), alcoolique et bas de plafond, et encore moins de s’identifier à lui. Donc, au-delà d’une admiration certaine pour la mise en scène (Ford tourna en dix-sept jours pour un budget de 243 000 $ !), il paraît délicat d’intéresser aujourd’hui le spectateur moyen à un tel film, d’autant plus que la fin vue par le très catholique et très Irlandais John Ford, paraît une faute de goût selon nos critères actuels. En dépit de son succès populaire, critique et professionnel à l’époque (il remporta quatre oscars : meilleur rôle masculin Victor McLaglen, meilleur réalisateur pour John Ford, meilleure musique originale pour Max Steiner et meilleur scénario pour Dudley Nichols), il paraît maintenant réservé aux cinéphiles.