Il y a toujours un risque, une peur à l'idée de revoir une œuvre que l'on avait adoré enfant. Justifié ici, car le souvenir quasiment magique que j'avais m'a paru légèrement galvaudé. Récit, personnages, dialogues, rebondissements... Tout m'a paru moins bon, moins passionnant, parfois trop rapide dans son développement, la volonté de faire le plus grand public possible étant palpable à plusieurs reprises. On aurait ainsi aimé que certains passages durent plus longtemps, d'autres moins...
Cela écrit, si le charme est un peu passé, « Les Voyages de Gulliver » a de jolis arguments à faire valoir. Réalisation très (trop?) classique mais faisant le boulot, moyens conséquents, trucages d'assez bonne qualité... Téléfilm, certes, mais un minimum ambitieux. De plus, Charles Sturridge prend le soin de ne pas banaliser l'œuvre de Jonathan Swift, la dimension philosophique, le discours moderne, progressiste de l'auteur étant régulièrement présent, discrètement parfois, mais présent quand même (à l'image du discours final, légèrement appuyé mais pertinent).
Enfin, au-delà des nombreux seconds rôles de prestige (Omar Sharif, Peter O'Toole, Ned Beatty, Geraldine Chaplin, Kristin Scott Thomas, John Gielgud...), le casting a fier allure, de Ted Danson dans le rôle-titre à la délicieuse Mary Steenburgen en passant par James Fox, élégant méchant. Sans oublier quelques passages parfois assez durs, n'édulcorant pas trop l'aspect violent, cruel qui pouvait caractériser l'état d'esprit de l'époque (notamment concernant la médecine). L'adulte que vous êtes devenu risque donc d'être un peu déçu, mais il n'est pas interdit de trouver une certaine satisfaction, intellectuelle et morale, à un spectacle ayant le mérite de s'adresser un minimum à toutes les générations : honorable.