"Western Préalpin !"
“Je ne suis pas résistant, je suis dans les assurances”. “Je ne suis pas dans le maquis, je suis facteur” ! Voici deux drôles de phrases sorties tout droit d’un drôle de film. En 1972, s’apprête à sortir sur les écrans, “Le Franc-tireur” de Jean-Max Causse et Roger Taverne avec Philippe Léotard. Ce long-métrage - enfin pas très long (1h14’) - qui narre l’offensive allemande dans le Vercors en 1944, après le débarquement, fait du maquis, une opportunité de dernières heures, plutôt qu’un combat idéologique. Philippe Léotard y incarne le fils d’un collabo de Grenoble qu’une voix off nous présente ainsi : “Michel Perrat est revenu en Vercors chez sa grand-mère en attendant que la guerre se finisse sans lui !” Malheureusement, le conflit le rattrapera très rapidement" ! Par ce prologue inédit, le duo de cinéastes nous entraîne dans l’antithèse du récit guerrier dont le 7e art nous a abreuvé et nous abreuve encore. Le spectateur ne verra aucun geste de bravoure dans “Franc-tireur”, il n’assistera à aucun sacrifice héroïque, rien de tout cela. Pourtant, “Franc-tireur” est bel et bien un film de guerre ancré dans les majestueux paysages escarpés du Vercors, véritable forteresse naturelle et haut lieu de la résistance. Ayant fuit de justesse devant un bataillon allemand, Michel Perrat rejoint un groupe hétéroclite d’hommes en armes qui comme lui ont échappé à l’ennemi. L’escouade composée d’un jeune maquisard, d’un instituteur, d’un facteur, d’un assureur et d’un paysan, s’enfuit dans les montagnes sous le commandement du Lieutenant, un ancien gradé idéaliste que la débâcle de 1940 a transformé en résistant. Bientôt, le groupe se voit rejoint par Ahmed, le seul véritable militaire du récit ! Durant 1 h 14’, les cinéastes Jean-Max Causse et Roger Taverne filment un jeu du chat et de la souris avec un sens aigu du décalage et un cassage de rythme, assez déroutant au demeurant. Le film alterne autant de scènes dramatiques - les escarmouches meurtrières - que de moments intimes et drôles durant lesquels miches de pain, pinard, eau de vie et bons mots se taillent la part belle (voire le repas bien arrosé chez le fermier). “Franc-tireur” est un film minimaliste et atypique dans la forme - aux antipodes de la mythologie des grands spectacles guerriers - mais bien plus politique et dénonciateur dans le fond - quand ces simples civils armés, acculés de toutes parts, attendent un appuis des alliés qui ne viendra jamais. Le gouvernement provisoire d’Alger en prend d’ailleurs pour son grade (sans mauvais jeu de mots), ce qui vaudra au film, une censure de 30 ans !