Troisième des six westerns réalisés par Howard Hawks, un Kirk Douglas bondissant et rieur remplace John Wayne, vedette de « La rivière rouge » réalisé par Hawks, quatre ans plus tôt.
Produit par la RKO d’Howard Hughes, ce récit d’aventures a pour cadre l’Amérique du nord d’avant la conquête du far west et l’implantation des villes et des chemins de fer sur tout ce territoire. Les personnages sont des trappeurs remontant en bateau jusqu’au source du Missouri pour y commercer avec les indiens Pieds noirs, luttant contre une compagnie qui veut s’arroger le monopole du commerce sur le fleuve, pénétrant dans des territoires inconnus de l’homme blanc.
Pour cette célébration de la nature américaine, Hawks choisit de tourner intégralement en extérieur. Le titre original du film (« The big sky », c’est-à-dire « Le grand ciel ») dit bien l’importance de la nature, ce titre est aussi celui de la saga, signé A. B. Guthrie, dont le film est l’adaptation de la première partie. Cette proximité de tous les personnages avec leur milieu naturel permet, parfois et par delà les différences culturelles, des rapprochements entre pionniers et indiens et même une histoire d’amour.
Hawks, comme à son habitude, prend son temps, multiplie les scènes d’amitié virile, parfois humoristiques, qui ne font pas directement avancer le récit (bagarre au saloon, chansons, veillées, à la belle étoile, au coin du feu), mais qui installent une atmosphère, permettent aux spectateurs de connaître les protagonistes et, surtout, de s’identifier à eux.
Les thématiques habituelles du cinéaste sont bien présentes :
- la constitution d’une équipe hétéroclite et intergénérationnelle redoutablement soudée et efficace. Elle est ici composée de deux trappeurs turbulents, de l’oncle de l’un d’entre eux (Arthur Honnicutt, dans ce rôle, fait un peu penser, par sa truculence, à Stumpy dans « Rio Bravo » du même Hawks, interprété par Walter Brennan), d’un indien porté sur la bouteille et sans tribu surnommé « pauvre diable », de l’inénarrable Francis, un français, chef des bateliers mais qui, pourtant, ne prend pas une décision sans l’accord de l’oncle susnommé,
- derrière l’apparente bonhomie des personnages peuvent se cacher une rudesse, une détermination sans faille. Ainsi, apprend-on, au détour d’une conversation, que Francis a tué deux bateliers qui voulaient abandonner l’expédition. Une péripétie de ce type était un important ressort dramatique dans « La Rivière rouge », le précédent western du cinéaste. Dans le cinéma de Hawks, le respect de la parole donnée, la résistance face à l’adversité et donc un comportement professionnel sont primordiaux,
- une femme qui ne se laisse pas choisir par les hommes mais qui les choisit au risque de briser l’amitié des deux principaux protagonistes (la princesse indienne cachée dans le bateau qui donne son titre au film).
Ce beau voyage, cette ample et belle aventure, à la mise en scène classique et fluide, est un des meilleurs westerns d’un des plus grands réalisateurs de western...
Si vous voulez suivre les aventures de trappeurs au point d’arrivée des personnages de « La captive aux yeux clairs », je vous invite à visionner « Au delà du Missouri », réalisé, une année plus tôt, par William A Wellman, avec Clark Gable, un autre grand western bucolique présentant une belle histoire d’amour entre un blanc et une indienne.