1973. New York. Chantal Akerman, femme d'intérieurs, s'essaye au cinéma avec Hotel Monterey, métrage intégralement silencieux scandant l'espace des couloirs, des chambres et des ascenseurs. 1993. D' Est. Chantal Akerman emmène sa caméra faire un tour à l'extérieur, quelque part entre l'Allemagne, la Pologne et la Russie... 20 ans séparent ces deux morceaux de cinéma : entre temps il y a eu le chef d'oeuvre Jeanne Dielman, près de 200 minutes dans le quotidien d'une femme se prostituant pour l'améliorer. Cinéma radical et régulier, musical avec peu de musiques, cadré dans la précision. Ce cinéma, celui d'Akerman, propose, cherche tout en posant une question essentielle : comment regarder un film ? Faut-il le consommer, le voir ou bien le contempler, le digérer, l'intégrer ? Peut-on s'accorder l'ennui, la distraction, le vagabondage ou se doit-on d'être totalement impliqué, concentré, orienté ? Chacun verra ce qu'il voudra dans cette oeuvre en devenir, parfaitement libre mais cohérente : D'Est est avant tout une promenade pour l'oeil, montée au rythme de travellings incessants et métronomiques, dont le texte est encore à découvrir. Libre au spectateur de ne pas l'aimer, de le détester ou de le fixer jusqu'à l'hypnose : voici le cinéma de Chantal Akerman, formidable remède contre l'intégrisme intellectuel. Il n'y a pas cinéma exigeant plus tolérant que le sien, excepté celui d'Abbas Kiarostami peut-être. D'Est. Un film, comme ça, sur lequel il faut revenir, si l'on veut bien.