"And the Palme d’or goes to… Pulp Fiction". Par ces quelques mots, Clint Eastwood inscrivait définitivement Quentin Tarantino dans l’Histoire du cinéma. En effet, malgré un Reservoir dogs remarqué par les amateurs de polars, c’est avec cette récompense attribuée à son second film que l’ancien vendeur de vidéoclub accéda à une réputation internationale et devint un des réalisateurs les plus réputés au monde.
Il faut dire que le film représentait à l’époque une petite claque dans le milieu hollywoodien. En effet, Tarantino se permet de raconter son histoire de gangsters de manière assez innovante. Ainsi, il se permet d’éclater la traditionnelle narration hollywoodienne en trois histoires pouvant se voir indépendamment les unes des autres mais formant néanmoins un tout une fois remises dans l’ordre chronologique. De plus, il pousse encore plus loin que dans son précédent film son goût du dialogue. Qui ne se rappelle pas des discussions tournant autour des différences culturelles entre américains et européens ou des massages de pieds ? Le plus épatant étant que, bien qu’elles soient totalement gratuites, elles en demeurent passionnantes et excitantes.
De plus, ces discussions permettent d’exprimer tout l’amour que porte le réalisateur au cinéma. Il est cinéphile et le revendique haut et fort que ce soit par ses citations dans les dialogues (on y parle aussi bien de la série Kung fu que du personnage d’English Bob du film Impitoyable signé justement par Eastwood), par certains trucages volontairement voyants (la rétroprojection en noir et blanc dans la scène du taxi), un univers clairement cinématographique (on retrouve des gangsters trop classes pour être issus du monde réel des années 90 et Tarantino y replace des marques n’appartenant qu’à son univers comme Big Kahuna burger), des effets de mise en scène se référant clairement à d’autres œuvres
(la valise dont on ne voit jamais le contenu en hommage à En quatrième vitesse de Robert Aldrich)
ou même des plans en reproduisant certains d’autres films
(la séquence où Marcellus traverse la rue et s’arrête en réalisant que Butch est dans la voiture qui est une reprise claire de la séquence similaire de Psychose d’Alfred Hitchcock)
.
Tarantino a ingurgité des tonnes de films et a ainsi totalement acquis le langage cinématographique avec un art total du cadre, du montage et de l’iconisation des personnages
(les présentations par métonymie de Marcus ou de Mia sont exemplaires et il est impossible d’oublier l’image de Butch armé d’un katana)
. Mais son talent de metteur en scène en scène ne s’exprime pas que par le visuel mais également par sa direction d’acteurs. Il réussit ainsi à remettre sur le devant de la scène deux stars dont les carrières étaient dans une pente descendante (et qui s’étaient curieusement retrouvées toutes deux au générique, du moins dans la version originale, d’Allô maman, ici bébé !) : Bruce Willis et surtout John Travolta ! Ceux-ci côtoient un casting tout bonnement incroyable : Samuel L. Jackson (dont la carrière a réellement décollé avec ce film), Uma Thurman, Ving Rhames, Harvey Keitel, Tim Roth, Amanda Plummer, Maria de Meideros, Eric Stoltz, Rosanna Arquette, Quentin Tarantino lui-même, Christopher Walken… Il est quasiment impossible de ne pas prendre de plaisir en voyant tout ce beau monde réuni à tel niveau !
Mais si tout cela ne suffisait pas à en faire un pur chef-d’œuvre, Tarantino y ajoute une bande originale qui a usé de nombreuses platines dans les années 90. Fidèle à son habitude concernant la musique de ses films (à l’exception des Huit salopards), il regroupe une multitude de titres oubliés et réussit à les rendre totalement dans l’air du temps et en parfaite adéquation avec son récit.
Excitant, amusant, passionnant, brillant : les mots ne suffisaient pas à l’époque pour décrire la révolution que représentait le film et le plaisir de découvrir un cinéaste instantanément culte. Plus de 25 ans après, Pulp Fiction réussit de plus à être toujours aussi maîtrisé et plaisant à suivre. Du plaisir à l’état pur !