La production de Scipion l'africain avait pour but d'établir un parallèle entre la victoire sur Carthage et la conquête de l'Ethiopie (effectuée en 1935 par Mussolini) et donc de vanter le régime fasciste. Mais le film souligne surtout le ridicule de la propagande fasciste.
Ainsi, ici, tout est blanc ou noir : Scipion, le bon héros romain, est aimé de tout son peuple, est juste et fait souvent preuve de clémence alors que Hannibal est cruel, vantard et n'hésite pas à violer une femme. A travers une scène, on découvre que le peuple carthaginois sait qu'il va perdre et que la soumission aux romains est la meilleure solution. De plus, dès qu'il est possible, on trouve un salut romain, qui entre temps était devenu le salut fasciste.
Tout dans le film est exagéré à commencer par le jeu des acteurs. Ils surjouent quasiment tous à commencer par l'interprète de Scipion : Annibale Ninchi. Ce dernier en plus de surjouer possède peu de charisme (Mussolini lui-même aurait même déclaré : "Si Scipion avait eu le visage mou de cet acteur, je ne sais pas s'il aurait gagné une seule bataille !"). Le point le plus ennuyant est que Camillo Pilotto, l'interprète d'Hannibal, le méchant du film, est beaucoup plus charismatique.
Mais l'exagération intervient également au niveau technique. Ainsi, la musique souligne très lourdement les moments dramatiques ou importants. De même, cette lourdeur générale est renforcée par la lumière qui est très visible sur certains plans même si ceux-ci sont souvent beaux (les gros plans de Sophonisbe et les plans de femmes en général).
Enfin, le défaut principal du film est son manque de rythme. Le film est très bavard : il enchaine les discours emphatiques. Même la séquence de la victoire sur Utique manque de rythme, ce qui est ennuyant pour une scène de bataille (mais qui heureusement n'est pas le cas de la bataille de Zama). De même, certains raccords sont très secs et que dire de cette fin constituée de beaux plans mais aux dialogues abrupts : la scène de combat achevée, un homme levant l'aigle romain dit "Nous avons vengé Cannes", point barre.
Malgré tout cela, le film possède quelques bonnes séquences comme celle du rêve de Sophonisbe, rappellant un peu le cinéma muet, et surtout la bataille de Zama. Celle-ci est assez réaliste et comportent des plans d'éléphants assez impressionnants et d'autres qui rappellent parfois Eisenstein. De plus, il faut souligner la qualité des décors et certaines reconstitutions qui nous rappellent que nous sommes face à un film à gros budget.
Mais ces quelques points positifs ne permettent pas de cacher l'aspect ampoulé d'un film qui est un parfait exemple de film de propagande.