Jeux interdits est un classique du cinéma français des années 50. Un joli film signé René Clément, qui pour ma part ne m’a pas totalement convaincu quand même.
Dans les très bons points il y a évidemment l’interprétation, et spécialement celle des deux jeunes enfants, puisque les adultes, sans mal joués, sont plus quelconques, tant par leurs personnages que par leur jeu un soupçon théâtral et excessif. Georges Poujouly et Brigitte Fossey forment un duo mémorable, jouant leurs rôles avec un naturel, une conviction et une fraicheur rare. Brigitte Fossey est une véritable poupée de porcelaine que magnifie la très belle photographie en noir et blanc du film. Les deux jeunes acteurs portent des personnages difficiles avec une maitrise impressionnante, et si Jeux interdits a accédé aux plus hautes distinctions, je ne doute pas que c’est aussi en grande partie par les prestations de ces deux interprètes sur lesquels reposent beaucoup le film.
Autre bon point, Jeux interdits est l’un de ces films anciens à posséder une bande son véritablement réfléchie et identifiable. Trop souvent la musique était alimentaire dans ces films anciens, et peu de compositeur ont réussi à émerger d’ailleurs. Jeux interdits prend un parti très différent avec une musique simple et parfaitement en adéquation avec son ambiance. Tout de suite le film de René Clément gagne en personnalité. Qualité sonore à laquelle s’ajoutent une très belle photographie en noir et blanc, une mise en scène maitrisé de René Clément, et des décors qui prennent pour cadre la campagne française, avec son authenticité affirmée. Malgré tout, ce qui a le plus retenu mon attention du point de vue visuel c’est le travail sur les contrastes lumineux. Jeux interdits est un film de la lumière, surtout dans les scènes d’extérieurs.
Le défaut finalement que l’on pourra relever dans Jeux interdits c’est un propos assez limité. Après un début fort et excellent, très touchant, le film va tendre à devenir moins puissant et aussi moins marquant par la suite, en suivant une histoire plaisante mais sans grand enjeu. Entre le très bon début et la fin marquante, Jeux interdits s’avère moins puissant, vivotant un peu. Curieusement le film est court mais je suis certain que cette partie centrale qui présente pas mal de scènes un peu anecdotique aurait pu gagner en épaisseur, en travaillant davantage au corps les sentiments, les émotions, et peut-être en se concentrant davantage sur les deux jeunes acteurs. Par exemple, autant l’ouverture est une réussite dramatique, autant l’événement tragique qui suit de peu perd en vigueur et semble presque quelconque.
Pour ma part Jeux interdits est un film visuellement sans grand défaut et porté par une excellente interprétation de ses deux jeunes acteurs et une musique aussi sobre que pertinente, mais dont le propos reste un peu trop ténu, léger, consensuel, une fois passée l’introduction, et semblant se rattraper uniquement dans sa conclusion. Certains verront peut-être une recherche de subtilité et de finesse de la part de Clément qui évite l’« effet Cosette », pour ma part je crois qu’il y avait des possibilités de frapper plus fort, sans forcément céder au misérabilisme. Après, que cela ne dégoute personne de voir ce film, il y a plein de très jolies scènes, et l’émotion est bien là. 4