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Nicolas S
44 abonnés
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3,0
Publiée le 21 mai 2024
Ce qu'on remarque dans Les Fleurs de Shanghaï, c'est avant tout ce soin extrême pour les décors, les costumes et les plans. Tout y est d'une grande beauté plastique, et chaque scène ou presque évoque des toiles de maîtres flamands. Il y a toutefois quelque chose d'étouffant dans cette esthétisation extrême, quelque chose qui empêche les personnages de s'animer. On comprend que c'est en partie à dessein, car le film raconte quelque chose de fort sur ces prostituées, ces "fleurs" littéralement arrachées au monde pour vivre confinées et entendre uniquement parler de choses qui ont lieu en hors champ. Mais cette sensation de stase et d'enfermement que le réalisateur souhaite susciter est aussi génératrice d'ennui pour le spectateur, qui ne peut que contempler de loin ces scènes au sens fatalement opaque.
Ces « fleurs », qui portent plutôt des noms de pierres précieuses, sont des « courtisanes » (à ne pas confondre avec des « catins » comme le dit l’une d’elles), qui monnayent leur compagnie et leurs charmes auprès de « maîtres » (tous se désignent ainsi) riches et oisifs dans le Shangaï du 19ème siècle. Le film raconte des relations croisées et complexes entre tous ces personnages, relations dictées principalement par l’intérêt financier, mais aussi par les sentiments. La première scène est un long plan séquence ou la caméra balaie très lentement, par aller-retours, un groupe important de « maîtres », en train de festoyer, boire et jouer, et de courtisanes qui les accompagnent. Ce type de scène reviendra régulièrement, comme pour ponctuer le film. Les scènes suivantes portent le titre de l’une des courtisanes, et les présentent successivement. L’écrin est présenté, ce sera le tour des bijoux. C’est un exemple parfait de film dont l’objet principal est la recherche formelle, et le contenu plutôt un support. Les ingrédients de Hou Hsiao-Hsien pour atteindre la forme souhaitée sont l’utilisation importante du plan séquence, les lents et délicats déplacements de caméra, l’importance des décors intérieurs (aucun plan d’extérieur ne vient amoindrir la démarche, en symbolisant aussi l’étroitesse de l’univers des protagonistes), le travail sur la couleur et sur la lumière. Le résultat est une merveille esthétique, mais à laquelle manque un peu d’âme et d’émotion.