En réalisant Grosse Fatigue, Michel Blanc décroche sans encombre la palme du meilleur promoteur de toute la troupe du Splendid. Excepté Monsieur Batignole, Gérard Jugnot se sera essayé, tout comme Josiane Balasko, à la satire sociale, sans jamais décoller d'un discours pompeux qui étale bêtement ce qui serait les failles de notre société. La prétention n'est pas systématique, mais couramment de la partie. Chez Michel Blanc, l'humour se définit autrement. Le réalisateur ne donne pas l'impression de construire ses personnages comme le ferait une fiction ordinaire. Au contraire, ils sont dans le film ce qu'ils sont dans la réalité. Par exemple, Thierry Lhermitte joue le personnage de Thierry Lhermitte, et Michel Blanc incarne Michel Blanc. Comme un documentaire, le cinéaste renforce l'illusion de nous faire croire ce qui n'est pourtant qu'un récit inventé de toute pièce. L'immersion est immédiate, instantanée. Mais le coeur du sujet est une authentique pensée de la célébrité. En effet, Michel Blanc découvre qu'un sosie sabote sa réputation. Il y a celui qui vit dans la lumière, et celui qui n'est que l'ombre de la star qu'il représente. L'acteur se ridiculise dans de nombreuses situations, incarne deux rôles au même visage, que l'on discerne d'ailleurs très bien, comme s'il n'était qu'un seul homme à double personnalité. Réciproquement, ces deux portraits se refusent, se confrontent et cherchent à se détruire mutuellement. Comme dans une tragédie grecque, il y a un retournement de situation. Le sosie devient la star, et la star la sosie, et cela définitivement. Ainsi, tout ce qu'a connu la célébrité auparavant le sera aussi pour son remplaçant; c'est en quelque sorte le signe d'une fatalité. De fait, Michel Blanc compare la célébrité comme un moment éphémère, rarement sincère et profondément équivoque. Il est peu commun qu'un artiste puisse avoir une liberté de ton aussi audacieuse que celle-ci. C'est un mélange précieux d'intelligence et de divertissement.