Sergio Leone :
Ce mot de "spaghetti-western", c'est un des plus cons
que j'ai jamais entendus de ma vie.
Sergio Leone, qui hérita de la passion du cinéma par un père metteur en scène et une mère actrice, commença comme assistant-réalisateur, notamment pour Ben-Hur, avant de prendre son envol derrière la caméra en remplaçant Mario Bonnard pour Les Derniers Jours de Pompéi. Un péplum plus tard, il se lança dans Pour une poignée de dollars.
Après avoir adoré le génial Yojimbo d’Akira Kurosawa, il décide alors d'en faire une transposition dans le western, ce qui lui coûtera d'ailleurs un procès au vu du succès non prévu de ce qui sera l'une des bases du western-spaghetti. Il avouera que son autre inspiration était une pièce de Goldoni, Arlequin serviteur de deux maîtres et le manque de budget le poussa à s'offrir une tête d'affiche méconnue, une jeune vedette de série télévisée du nom de Clint Eastwood, au lieu de comédiens de renoms qu'il voulait comme Henry Fonda ou James Coburn.
Dès les premières séquences, le style du metteur en scène italien est posé et reconnaissable, avec une bande-originale importante, géniale et fortement présente signée Ennio Morricone ainsi que des plans au plus près des visages des personnages, pour mieux que l'on ressente leurs peurs et tensions. Assez vite, on est transposé dans l'univers de Leone, et on ressent tout ce qui transpire, littéralement parlant, des protagonistes.
Il laisse planer un certain voile mystérieux sur le personnage de Clint Eastwood, on ne sait rien de lui, que ce soit son passé ou ses intentions, si ce n'est qu'il agit surtout pour l'argent. Il le rend intéressant, notamment par les liens qu'il va entretenir avec les deux familles rivales et on se prend à son jeu, Leone nous tenant en haleine jusqu'au remarquable et inoubliable dénouement final, finissant de donner de nouvelles lettres de noblesses à un genre qui commençait à s’essouffler.
Au-delà de son scénario, c'est vraiment par son ambiance que Pour une poignée de dollars est marquant, on est happé par la chaleur ambiante, c'est lourd, moite et Leone n'oublie pas de placer une dose de suspicion sur les personnages et enjeux. Il n'en oublie pas une pincée d'humour noir qui s'insère parfaitement au récit, ainsi qu'une intensité presque permanente, sublimée par la bande-originale ainsi qu'un magnifique visuel, nous permettant de ressentir toute la poussière de ces villes désertiques.
La description des personnages, que Leone n'oublie jamais de sublimer avec sa caméra, est simple, mais ô combien géniale, où l'opposition des deux familles se place sous le signe de la cupidité et de la méchanceté. Et face à eux, le cinéaste italien met en scène un remarquable tireur, assassin et guidé par sa simple volonté et son instinct de survie, ce qui marque une nette rupture avec l'idéal du héros cow-boy que l'on trouvait très souvent dans les films américains. Ce triangle bénéficie d'un traitement simple mais vrai, on y croit, et Leone n'oublie pas d'y inclure une sacrée dose d'intensité, notamment lorsqu'ils seront en face à face, pour des moments inoubliables, et parfois même d'une rare violence.
La force du cinéma de Leone, c'est de créer une vraie alchimie entre tous les éléments, avec ici une belle et réaliste reconstitution, où l'italien fait aussi preuve d'un certain sens du détail, ainsi qu'une musique omniprésente participant activement à l'ambiance et la réussite du film. Ennio Morricone signe une bande-originale entêtante, parfois glaçante et devenant presque un personnage à part entière. Comme il le fera par la suite, le cinéaste sublime aussi les comédiens, avec un magnétique Clint Eastwood créant magnifiquement et violemment son mythe, face à un surprenant Gian Maria Volonte en tireur d'élite buveur, sournois, cynique et violent.
En signant Pour une poignée de dollars, Sergio Leone pose vraiment les premières pierres de son cinéma avec une oeuvre âpre, violente et unique, sublimée par son intensité, la bande-originale d'Ennio Morricone et de géniaux comédiens, lui permettant ainsi de donner de nouvelles lettres de noblesses à un genre qui prenait la poussière.