Ce film, prix de la mise en scène à Cannes en 1994, arrive à être à la fois très égocentrique et très généreux. Nanni Moretti ne parle dans ces trois chapitres de son Journal intime que d'une seule chose : lui-même. Mais en parlant de lui seul, il nous renvoie à nos propres réalités, limites, désirs. Ce film est vraiment un journal intime car on y trouve aussi des expressions de son auteur sur le monde qui l'entoure : le cinéma italien, le refus de la violence au cinéma, la peur de la bêtise (celle de la majorité, celle des intellos, des parents, des enfants, des médecins…).
C'est aussi un formidable étalage de personnages plus drôles les uns que les autres : Moretti, lui-même, chevauchant sa Vespa à travers les différents quartiers de Rome la belle, dansant au milieu d'une fête ou dans une trattoria, s'arrêtant pour aller au cinéma, visiter une maison sous un prétexte fallacieux (repérage pour une comédie musicale sur un pâtissier trotskiste dans l'Italie des années 30), abordant un automobiliste pour lui asséner une vérité ou Jennifer Beals (Flashdance) pour s'extasier sur la commodité de ses chaussures et passer pour un fou. Moretti encore, allant d'île en île à la recherche d'un lieu où créer, errant de médecin en médecin pour trouver un remède à ce mal qui le ronge. Gerardo, son ami, grand intellectuel qui finit par tomber amoureux des soap-operas brésiliens. Le maire de Stromboli rêvant de faire de son île un film. Les parents de cette île où leurs enfants uniques font la loi et empêchent les conversations téléphoniques d'aboutir à autre chose qu'un ubuesque zoo sonore. Ce critique de cinéma qui, rongé par le remords, pleure sur son oreiller. Ces médecins, prince des dermatologues ou acupuncteur chinois, qui ne savent pas écouter.