L'histoire d'un bourgeois qui va tromper sa femme. Ouh que c'est original ! Oui mais c'est un Truffaut, et c'est avec Françoise Dorleac.
Toutes les personnes qui fréquentent mon site "Radikal Kritik" ont du commencer à comprendre que je suis un fétichiste du visage féminin, et celui de François Dorleac me hante depuis « Les Parapluies de Cherbourg ».
Je n'ai vu que ce film avec elle, et encore, à la télévision et son écran rachitique.
Dès que j'ai vu le titre du film que j'avais tant convoité à la TV en vain, je me suis précipité à « La Filmothèque du quartier latin » pour la séance du mercredi. Et je n'étais pas le seul ! C'est toujours aussi beau de voir la jeunesse oisive et cinéphile mais cultivée du quartier latin venir voir un film en noir et blanc. Sans doute la réputation de Truffaut oblige.
C'est justement Truffaut que je regrette dans ce film, à la manière de « La mariée était en noir », tout est présenté en noir et blanc, sans aucune valeur de gris. Évidemment, c'est tourné à la manière nouvelle vague, sans recherche particulière ou esthétique très poussée. Le même film réalisé par Wong Kar Waï serait un chef d'œuvre, ici, on a un film de genre poussé dans les poncifs (totalement réalistes) qui perd un peu de charme et d'efficacité, peut-être même apparaît-il daté. Rien à voir avec « Mort à Venise » qui prenait le sujet de l'amour fou et en faisait un objet de scandale. Ici, on est face à des êtres froids, dont la passion petite bourgeoise n'arriverait même pas à réchauffer un toast.
Tout l'attirail fémininiste de l'adultère fautif et honteux est réuni, le démon de minuit de la cinquantaine, la réussite facile et le easy contact de la jet set (de l'époque), le petit bourgeois pas très futé, qui s'emporte vite, et qui collectionne l'étiquette de petit lubrique bien cachée par le vernis de l'éducation. Une tentatrice plus jeune, un peu à l'Ouest, qui va bien prendre son pied sans prendre trop de risques. Le tout tartiné avec un réalisme rare, mais trop poussé et complet pour une seule histoire d'adultère, avec tout ce qui peut poser problème dans l'expérience mal maîtrisée.
Le côté Lolita fait surtout défaut, on sent l'excitation de l'interdit, mais pas la passion, même la proposition de la fin n'est que l'expression d'un conformisme petit bourgeois qui s'accomoderait de n'importe qu'elle femme pour sauver les apparences ou le statut social.
Entendons nous bien, ce film est parfait dans son genre (suranné) mais il manque l'anti-thèse à la démonstration universitaire sur le sujet. C'est donc un peu creux, mais très bien écrit et évidemment joué.
Je n'en dirais pas autant de la photographie, Dorleac n'est pas montrée sous son meilleur jour, à part la scène de la danse ou de la séance photo. Le noir et blanc est du domaine de la pellicule pas chère, et non de l'expérience esthétique d'un Hitchckok ou d'un Orson Welles. Bref, tant que la nouvelle vague s'intéresse à des sujets jeunes et foutoir, pas de problème, mais cette cheap way de faire des films est bien moins adaptée à une histoire vieille comme le monde et entre vieux.
Heureusement, il y a la jolie saynette du petit chat au petit déjeuner, timide et réservée, qui montre à quel point Truffaut avait du mal à filmer l'interdit, jusque dans son esprit. Il reste surtout cette scène sur le balcon, avec un flou magnifique des appartements Haussmaniens, un profil qui ne l'est pas moins, et où enfin, LA Dorleac sort sa tirade de femme proche de la maturité, sinon de la prise de conscience de sa position sociale. Elle montre son beau minois pour nous charmer définitivement, ad mortem. Mais un peu tard.
La fin, prévisible en diable, est du ressort du panthéon romantique des années 50, et n'apporte pas grand chose, à force de l'avoir attendue. Je suis dur, mais il est vrai que les très bons Truffaut sont rares, cet hommage à la femme tentation n'est pas assez osé, assez beau, ni assez pervers pour convaincre. Sauf à croire que le François était un moralisateur, et alors, il a fait le panorama complet, sans aucun oubli de l'adultère râté, destructeur et honteux. Heureusement que des films comme « Les trois petits cochons » nous rappelle que le catastrophisme de l'adultère dépend surtout de l'intelligence et de l'habileté des participants, non de la morale !
Bref, de la part d'un jeune de la nouvelle vague, un hommage à la fidélité au goût amer et étrange, à défaut d'être convainquant.
On est aussi surpris par l'attachement au monde automobile, la DS en premier lieu, et l'on pense très souvent à Lelouch.