A la tête d’un projet ambitieux et controversé, Robert Altman réalise M.A.S.H., signifiant « Mobile Army Surgical Hospital ». Il y installe le décor d’une base chirurgical de campagne où le respect et l’autorité n’existe plus. Ce qui est d’ailleurs étonnant, car les conditions de début de tournages ne s’éloignaient pas de ce constat. Et bien que la production soit malmenée par des désaccords permanant, la confiance a fini par prendre le dessus afin d’obtenir une résultat inattendu et admirable. Ce film constitue d’ailleurs l’adaptation du roman « Mash : A Novel About Three Army Doctors » de Richard Hooker, où la guerre de Corée sert de support.
On pourrait aisément faire l’analogie avec la guerre du Vietnam et de nombreuses autres œuvres s’en sont chargées. Ce que reprend Altman est davantage une critique antimilitariste et anti-religion, des piliers fondamentaux des États-Unis jusqu’à aujourd’hui, dans un ton très burlesque. L’arrivée des capitaines Benjamin Franklin Pierce, dit Hawkeye (Donald Sutherland) et Augustus Bedford Forrest, dit Duke (Tom Skerritt), transformera le camp en un lieu de débauche où la loi du moins sérieux l’emportera. Au passage, leur addiction à l’alcool et aux filles ne manquera pas de nous surprendre. Nous inviter dans ce camp, c‘est nous inviter à une soirée d’étudiants tous fraichement diplômés en médecine, ou bien un camp de vacance, au choix. Mais l’intrigue ne se soucie guère de cet aspect, car ces « soldats » font leur travail mine de rien.
Dans la suffisance quand il le faut et dans l’excès quand ils le peuvent. Rien ni personne ne peut les stopper, on reste là à les regarder faire comme si la faille du système est une évidence ou bien une blessure à panser. On suit un déroulé de situations qui mettent certains personnages mal à l’aise, contrairement à d’autres qui en récolte la jouissance. Il en faut peut pour comprendre le rapport entre dominant et dominé dans cette histoire. L’infirmière en chef Margaret O'Houlihan, dit Hot Lips (Sally Kellerman) en fait les frais et le film mesure tous les propos à son égard. Nous autres spectateurs sommes autant victimes que cette femme, innocente dans le devoir mais perverse dans bien d’autres domaines. Voilà où veut en venir le réalisateur qui maintient un rythme effréné. Les gags se succèdent et la coordination parfois brouillonne, voire improvisée, adoube la notion de désordre dans ce petit groupe d’enfants gâtés. Nous sommes séduits par la forme, mais il ne faut pas oublier la démarche derrière, qui cache une critique bien salée envers la foi de l’Homme sur terre.
« M.A.S.H. » est lui-même une opération chirurgicale qui, par bien des aspects, se montre hostile et bénéfique. Il s’agit d’un film de guerre sans bataille ensanglantée, car les seules hémoglobines seront sur les tables d’opération, où la sérénité n’a jamais été aussi plaisante à vivre. L’humour se joue de la tension et le film se joue d’une guerre absurde. L’utilité de cette dernière n’est qu’une charnière pour comploter derrière ses supérieurs, au mépris des risques. C’est ainsi que l’on reconnait la volonté de l’Amérique et sa passion pour une liberté qu’il prône dans la débauche, l’alcool et la drogue.