La réalisation de Christian de Chalonge est intéressante. Elle tranche avec les mises en scène habituelles, statiques, des pièces de théatre adaptée pour le cinéma. De Chalonge occupe intelligemment l'espace qu 'il s'est fixé. Et quoi de plus logique, apparemment, lorsqu'on met en scène une pièce de théatre (de Guitry) dont le sujet est le théatre que d'investir...un théatre. De Chalonge ose même son style caractéristique, une façon expressionniste par laquelle l'endroit, luxueux, vaste et vide, prend un singulier relief, une profondeur inattendue. Les personnages qui se meuvent sur scène, dans les couloirs ou dans le grand hall illuminé s'y trouvent petits et vulnérables, en parfaite adéquation avec la profession de foi du comédien évoquant la grandeur de sa discipline.
Ce discours respectueux sur le métier de la comédie, sur le public, sur le théatre dans ses généralités, s'inscrit plaisamment dans une comédie forte des bons mots et des mots justes de Sacha Guitry. Elle montre, dans sa première partie, une troupe qui vient de jouer la dernière représentation d'un vaudeville à succès. Plus tard, la comédie s'articulera , lors de nouvelles répétitions,
autour du dépit du comédien, lequel a permis à sa jeune maîtresse sans talent de prétendre jouer la comédie.
Le comédien, c'est Michel Serrault, formidable, génial, indispensable. Lui seul, sans doute, pouvait s'affranchir du fantôme de Guitry, dont le style et la personnalité hantent généralement les reprises de ses pièces. Malgré la nature très identifiable des textes, Serrault existe complètement et relègue même -sacrilège- le jeu de Guitry au rang d'archaïsme. Outre le talent de l'acteur et les bonnes idées de mise en scène (même si de Chalonge n'évite pas complètement les longueurs), on trouvera des seconds rôles tout à fait à la hauteur (je pense à Daniel Prévost dans un emploi de comédien de second plan, cabotin qui plus est)