Marin Karmitz est connu pour être producteur de films et distributeur dans des salles qui portent les initiales de son nom. Moins connues sont sa passion pour la photographie et l’impressionnante collection qu’il a rassemblée au fil des ans. Une exposition lui était consacrée l’an dernier au Centre Pompidou. Y étaient exposées des oeuvres de la collection privée de Marin Karmitz et d’autres du fonds du Musée national d’art moderne.
Romain Goupil, compagnon de route de Karmitz, l’interroge sur sa passion.
Sans doute, ce court documentaire d’une heure à peine n’aurait-il pas trouvé les chemins des salles MK2 s’il n’avait pas été consacré à leur fondateur et serait-il resté un support publicitaire ou un produit dérivé de l’exposition « Corps à corps ». Mais on aurait tort de critiquer au favoritisme et de reprocher aux MK2 Beaubourg et Parnasse de l’avoir programmé. Car ce documentaire est un petit bijou pour qui, comme moi, voue une passion à la photographie, un art qui, paradoxalement, alors même qu’il en est si proche, peine à trouver sa place au cinéma. Il suffit d’évoquer Lee Miller, ce biopic qui, obnubilé par le projet d’encenser la figure féministe de son héroïne, oublie de parler de son oeuvre et de sa démarche artistique.
La caméra à l’épaule, la mise au point parfois hésitante, Romain Goupil filme Marin Karmitz, un nonagénaire encore ingambe qui, d’une voix d’une infinie douceur, présente quelques unes des pièces les plus marquantes de sa collection. Loin de la photographie « humaniste » française, parfois chargée jusqu’à l’excès de bons sentiments, Karmitz a collectionné la street photography américaine, tels que Dave Heath, Homer Page, Gordon Parks ou William Eugene Smith. Une place particulière est réservée à Lewis Hine (1874-1940), qui a utilisé ses photos pour militer contre le travail des enfants.
En parlant de ses photos, le collectionneur se dévoile. Il raconte son formidable destin : né en 1938 à Bucarest dans une famille juive, il survit à l’Holocauste, fuit la Roumanie en 1947 et trouve refuge en France, à Nice. Après des études de cinéma à l’Idhec, il devient chef opérateur, milite à la Gauche prolétarienne et fonde son propre réseau de salles. On comprend alors d’où lui vient sa passion pour la photographie : la hantise de la disparition et le désir, par avance frustré, de retenir le passé pour l’éternité.