___________Pour le lecteur pressé, en moins de 3 minutes: https://youtu.be/gLM0NCeIrhc___________
Sinon:
Le Joueur de go, ou comment Kazuya Shiraishi transforme un jeu de plateau en un duel de volontés plus intense qu’un combat au sabre. Ne vous attendez pas à des éclats de lames ou des batailles grandioses : ici, la guerre se joue sur un damier noir et blanc, chaque coup pesant plus qu’un assaut militaire. Shiraishi, d’ordinaire habitué aux thrillers rugueux, se glisse ici dans un exercice de style d’une lenteur savamment orchestrée. Du pur masochisme cinématographique ? Peut-être. Ou un chef-d’œuvre d’introspection millimétrée.
Tsuyoshi Kusanagi, impérial en samouraï déchu, incarne la retenue avec une intensité glaciale. Face à lui, Kaya Kiyohara apporte une touche de candeur, tandis que Jun Kunimura, toujours impeccable, distille un charisme vénéneux dans son rôle de marchand d’art ambigu. Ensemble, ils créent un ballet silencieux où chaque regard, chaque silence pèse des tonnes.
Visuellement, c’est un régal. Des lumières tamisées, des intérieurs feutrés, des estampes vivantes. Shiraishi filme avec la minutie d’un calligraphe, traçant son récit trait par trait. C’est magnifique… et frustrant. Car le film prend son temps, son grand temps. Les scènes de go s’éternisent, certains dialogues semblent s’écouter penser. Si vous avez une patience de moine zen, vous serez ravi. Sinon, préparez-vous à lutter contre l’envie irrépressible d’accélérer le visionnage.
Mais il y a ce quelque chose qui happe, qui obsède. Cette sensation qu’un coup de trop peut tout faire basculer. Et puis, soyons honnêtes : dans une époque où tout va trop vite, voir un film qui vous force à ralentir est presque une rébellion. "Le Joueur de go" n’est pas un film qui se regarde, c’est un film qui se joue. Si vous êtes prêt à accepter les règles, la partie en vaut la peine.