Monstrueux. Tout simplement. Partant de l'histoire de la Citadelle de Kowloon à Hong Kong dans les années 1980, période charnière pour une ville alors en plein boom économique, mais théâtre de nombreuses tensions sociales - et même géopolitiques, avec la question de la rétrocession à la Chine - le film déroule un récit centré sur les conflits entre triades, ces organisations mafieuses gangrenant la vie locale. Partant de là, ça déroule, et c'est génial. Pour résumer ce film de fou furieux : J'ai jamais vu autant de monde prendre autant de coups dans la figure. Une véritable boucherie. Prenante, intense, sans cesse réinventée par de nouvelles successions de coups, et de mouvements. Et ce côté absurde, drôle, des combats, qui souvent font sourire, donnent envie de rigoler tant tout est dans l'excès, puis dans le n'importe quoi - l'antagoniste, quel antagoniste ! est absolument hilarant lorsqu'il se promène avec ses kalachnikov dans le dédale de la citadelle - avec des bruitages qui soulignent la folie des enchaînements. Quand on y pense, quel paradoxe ! Quel exercice d'équilibriste ! Parvenir à rendre cette violence omniprésente et maintes fois soulignée aussi drôle, c'est juste fabuleux. Il faut ici rendre hommage aux acteurs qui tous, sans exception, font un travail remarquable. Et, aussi, à cet environnement, ces décors qui donnent vie à cette citadelle. Sale, sombre, puante, spectre de la plus pure SF dans un style rappelant Blade Runner, mais aussi incroyablement vivante. City of Darkness est un divertissement réalisé d'une main de maître qui cherche avant tout à nous en mettre plein la tronche (Au sens figuré), il est vrai, mais c'est aussi un hommage à cette communauté qui vivait dans la Citadelle de Kowloon, communauté très soudée, ou chacun, chacune, était prêt semble-t-il, à aider le voisin. Dans une certaine mesure, la violence était la règle. Violence de la condition, matérielle autant qu'intellectuelle. Violence, également, gratuite, criminelle, envers autrui. A cet égard, le destin de la prostituée est écœurant car il représente cette partie basse, vile de l'humanité qui y existait ; pourtant, la violence n'avait pas libre cours. Il y avait un certain ordre, une morale ; des principes chez les gardiens du groupe, qui permettait de brider les pires comportement des sales individus afin de préserver la paix. Au pire, de sévir, dans une forme de justice qu'on approuve, à défaut de pouvoir compter sur autre chose ; une administration visiblement absente. On comprend rapidement pourquoi Chan Lok-kwun se prend d'affection pour ses camarades, tous barrés, il est vrai, mais avec des valeurs, et une parole. Choses très précieuses dans un tel environnement. Cette amitié éprouvée face à l'ennemi a quelque chose de superbe. Car tout ceci à part, le cœur de City of Darkness reste sans conteste ses combats. Et là, c'est du grand spectacle... Bref, City of Darkness, c'est monstrueux.