Dans le nord de l’Inde, Santosh qui a perdu son mari lors d’une manifestation inter-ethnique, se retrouve soudain veuve et rejetée, notamment par sa belle famille pour une histoire de dot non complétement versée, mais grâce à une loi spéciale appelée « nomination compassionnelle » elle hérite du poste de son époux et du prestige de l’uniforme beige unisexe qu’elle troque contre son sari. Ouvrant de grands yeux, elle découvre les mœurs de la police locale et se retrouve catapultée au cœur d’une enquête glauque à la suite du viol suivi de meurtre d’une jeune fille de 14 ans de la minorité réprouvée des dalits, lesquels sont destinés dès la naissance à une vie de marginalisation, d'exclusion et de violations des droits de l'homme, d’où la réticence de la police pour enquêter. Coupable tout désigné un jeune musulman qui a eu la malchance d’échanger avec la jeune dalit que son portable. Santosh est poussée sur cette piste par une inspectrice à poigne qui l’a pris sous son aile, car efficace, fine observatrice, Santosh est clairement une bonne recrue ...Cette histoire laisse une impression de malaise devant le tableau effroyable de la police indienne : brutale, corrompue, minée par la misogynie, la haine des musulmans et la pratique de la torture des suspects.
Interprétée avec une puissance contenue par Shahana Goswami, Santosh est notre guide effarée dans des méandres bourbeux où il faut parfois se salir les mains, où le coupable idéal n’est pas forcément le vrai coupable… Haine de la police considérée de tout temps à la botte des puissants, malversations souterraines, présupposés religieux et sociaux régissent ce monde immémorial de castes que nous découvrons à travers ses yeux. La réalisatrice nous donne des clés de compréhension sans tomber dans les travers du didactisme. « Il y a deux sortes d’intouchables dans ce pays, dit Sharma, fataliste, ceux que personne ne veut toucher, et ceux que personne n’a le droit de toucher. »
Sandhya Suri s'inspire de l'affaire Nirbhaya, du nom de cette jeune étudiante victime d'un viol collectif dans un bus à New Delhi, et battue à mort en 2012 – cinq des six accusés seront condamnés à la pendaison…
Sandhya Suri enchevêtre habilement toutes les problématiques de l'Inde contemporaine : le système des castes, la diabolisation des musulmans, le patriarcat. Une plongée dans les eaux troubles voir saumâtres, de la société indienne…. Un tableau terrifiant de l'Inde de Narendra Modi, premier ministre nationaliste hindou en exercice depuis 2014, réélu en juin dernier pour un troisième mandat.
Concernant l’interprétation, on ne peut que louer ce que nous offrent Shahana Goswami et Sunita Rajwar, d’une grande justesse dans les rôles de Santosh et Sharma.
Malgré quelques longueurs, ce premier film de fiction de la réalisatrice Sandhya Suri, est d’une force remarquable, glaçant et millimétré…