Deux vies, deux destins diamétralement opposés et un mur qui les sépare. Plus de 70 ans après l'Holocauste, le fils du commandant d'Auschwitz et une survivante du camp d’extermination se rencontre pour la première fois…
Lorsque l’on a vu le documentaire Shoah (1985) de Claude Lanzmann et la fiction surréaliste qu’était La Zone d’intérêt (2024) de Jonathan Glazer, découvrir le film de Daniela Völker prend alors une toute autre ampleur et vous prend aux tripes tant les 3 films ne cessent de se rejoindre.
L’histoire vous glace le sang, bien qu’on la connaisse tous (à moins d’avoir séché tous ses cours d'Histoire ou de vivre en ermite). Pour bien se remettre dans le contexte, le film nous dresse le portrait de Rudolf Höss, celui qui fera sortir de terre le plus grand centre concentrationnaire d'Allemagne : ceux d'Auschwitz-Birkenau. On découvre la personnalité de Rudolf et aussi de son fils Hans-Jürgen. Ce dernier (avec son frère et sa soeur), encore enfants à l’époque, n’avait pas connaissance des exactions commises par leur père, bien que leur maison était attenante aux camps (il nous est difficile de croire qu’ils ne pouvaient pas savoir, ni sentir l’horreur qui émanait des fumées des crématoires). Ils vivaient de manière privilégiée, ils avaient du personnel et un joli jardin avec piscine, tandis que, de l’autre côté du mur, se trouvaient les camps de concentration et d'extermination. Hans-Jürgen, son frère et sa soeur étaient persuadés que leur père dirigeait une prison.
« J’ai eu une enfance heureuse et idyllique à Auschwitz. »
On découvre aussi comment Hans-Jürgen s’est volontairement protégé de la réalité, il n’avait par exemple jamais lu les mémoires de son père et ne s’était jamais rendu à Auschwitz. C’est dans le cadre du film qu’il a commencé à s’y intéresser et à se rendre sur place, pour réellement découvrir qui était son père, cet homme bienveillant et aimant envers sa famille, mais véritable monstre inhumain lorsqu’ils avaient le dos tournés.
« Mon grand-père est le plus grand tueur de masse dans l'histoire de l'humanité. »
Le film met aussi en parallèle, Anita Lasker-Wallfisch, violoncelliste et survivante du camp, aux côtés de Maya, sa fille. Ces dernières auront l’occasion de rencontrer Hans-Jürgen et son fils Kai, lors d’une rencontre en petit comité, avant une visite du camp d’Auschwitz. Cette dernière aura permis à Kai de confronter son père à son passé, celui qui idéalisait son enfance au point d’avoir du mal à admettre (comme bouffé par le déni) les crimes perpétrés par son père (sans parler de sa soeur Brigitte, qui nous explique qu’elle n’en voudra jamais à son père).
L’Ombre du Commandant (2024), est à la fois une rencontre improbable et un choc entre deux visions du monde bien différentes, entre une rescapée et le fils du pire meurtrier de masse de l’Histoire. Un documentaire d’utilité publique qu’il est nécessaire de montrer au plus grand nombre, car comme l’a si bien dit Anita Lasker-Wallfisch, nous ne sommes pas à l'abri d’un énième holocauste (la preuve en est que nous n’avons pas appris de nos erreurs, avec le génocide des Ouïghours actuellement perpétrée par la Chine).
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