Ce film est une invitation à la contemplation, au changement et à la réflexion. La question centrale soulevée par ce long-métrage est celle de la difficulté de la transmission.
Takuya, un jeune garçon qui ne se retrouve pas dans les sports traditionnellement considérés comme « masculins » comme le baseball et le hockey sur glace, découvre dans la patinoire de sa petite ville grâce à une jeune fille, Sakura, un sport qui attire son attention : le patinage artistique. Les sentiments du jeune garçon affleurent à travers une image épurée et un décor japonais hivernal et se mélangent au côté de sa nouvelle partenaire... Aux côtés de son nouvel entraîneur de patinage artistique, il doit désormais faire un choix : suivre les injonctions de la société traduites par les attentes de son frère et pratiquer le hockey ou bien suivre un désir artistique et amoureux qui peine à s'exprimer sur la glace.
Sakura, quant à elle, poursuit une autre quête : celle d'être reconnue et intégrée. Talentueuse patineuse, elle poursuit une trajectoire singulière au cours de cette romance sans parole. Elle ne manifeste d'abord pas un grand intérêt pour son nouveau partenaire Takuya avec qui elle doit apprendre à patiner en couple. Elle accepte la proposition de son entraîneur car celui-ci lui indique qu'en patinant en couple, elle sera plus facilement remarquée dans ce microcosme féminin très compétitif et s'améliorera aussi en simple. Au fil des entraînements, les cœurs des enfants semblent battre à l'unisson sur la glace en vue d'une compétition en couple... jusqu'à la désharmonie finale.
Le personnage le plus important de notre histoire est finalement celui sur qui repose la responsabilité de la transmission : le professeur de patinage. Ancienne étoile du patinage artistique, la narration distribue avec parcimonie les raisons de sa présence dans cette petite ville japonaise. Son histoire est celle d'un échec sublimé, qui n'est pas sans lien avec son homosexualité. La force de ce film réside dans une représentation plutôt innovante de l'homosexualité masculine - quoique mélancolique. La grande simplicité et beauté des scènes de couple nous sont partagées comme si nous découvrions un secret dissimulé dans un carton gardé au fond du placard.
Cependant, la beauté de ce trio est brisée soudainement lorsque la jeune Sakura aperçoit son professeur aux côtés de son partenaire à travers la vitre de leur voiture. L'amitié devient aversion. Sakura, soutenue par sa mère, refuse de revoir son professeur homosexuel qu'elle accuse de passions répugnantes. La jeune fille ne se présentera jamais lors des qualifications en couple de la compétition de patinage. Dès lors, il s'agit pour nos trois personnages de faire un choix. Takuya reprendra l'entraînement de hockey sur glace, non sans regret. L'entraîneur choisira finalement de quitter son partenaire. Sakura, elle, patinera seule.
Mais s'agit-il véritablement d'un retour à la case départ pour chacun d'eux ?
Takuya qui avait tant de peine à s'exprimer entreprend (enfin !) de s'adresser à Sakura. Le professeur, quant à lui, a fait le choix de renouer avec son rêve en dépit de l'homophobie qui imprègne la société japonaise : bien que son avenir soit incertain, un nouvel soleil se lève pour lui. Sakura, enfin, apparaît de manière sublime sur la glace au son du Clair de lune, le spectateur attentif aura sans doute remarqué que c'est le morceau sur lequel le professeur avait lui-même patiné lorsqu'il avait une carrière nationale - ce qui est alors un signe de la réussite de la transmission, malgré la rupture de communication.
Ce film lent, subtil, sensible dissimule une douce violence qui ne s'accorde que trop bien avec sa dimension queer.
Bravo et merci pour ce moment de poésie que je n'oublierai pas lorsque le printemps poindra.