Cette « Course contre l'enfer » est un fleuron du redneck movie, parfait reflet de toute la richesse de cette période d’hyper productivité New Hollywoodienne dans ces 70’s, sacro saintes années pour tout cinéphile avide d’expériences visuelles. Le cinéma d’exploitation alors en pleine expansion, nous bombarde la rétine de bobines toujours plus surprenantes, à une cadence aussi infernale que la course de ce véhicule poursuivi par une armée de ploucs dégénérés.
Aux manettes de ce film on retrouve cette bonne tronche de Jack Starrett, acteur/réalisateur texan coutumier des rôles de bon gros males dans des Bikers movie a la virilité exacerbée comme « Angels from hell »(19868) , « Run angel run »(1969) ou « Nam’s angels » (1970).
Avant de devenir ce sergent Arthur Gault, le premier qui versa le sang dans « Rambo » (1982), Starrett va faire couler celui d’une femme sacrifiée par une horde satanique dans le sud profond des states, lieu propice aux rites mystiques et aux pratiques les plus tabous qui alimentent depuis plus d’un demi-siècle la mythologie de ces péquenauds.
Avec ce western moderne dans ces contrées arides, quelques années avant que l’on découvre cette colline avec des yeux, il va livrer une œuvre aussi linéaire et chaotique que la course de ce camping-car poursuivi par des tarés. Probablement ceux que Frank Stewart (Warren Oates) ,Roger Marsh (Peter Fonda) et leur épouses Alice (Loretta Swit ) et Kelly (Lara Parker)ont surpris, leurs visages dissimulés derrière des masques aussi grotesques qu’effrayants, en train d’assassiner une « promise », destinée a un bucher ardant. A ce titre, c’est une des rares fois où le sacrifice par le feu est fortement suggéré, une probable source d’inspiration du futur film de cannibales de Craven (la caravane, le désert, les ploucs, le masque « sauvage », l’immolation…pas mal de « coïncidences » !) car c’est surtout un des clichés scabreux de la redneck exploitation depuis « Le naissance d’une nation de Griffith » avec une des pratiques « favorites » du klu klux klan.
« Course contre l'enfer » est un film qui clame cette filiation avec la confrontation entre citadins arrogants et autochtones belliqueux sous forme de choc de culture à commencer par ce camping-car dernier cri, symbole bling bling de l’urbain colonisateur. Starrett va leur donner rendez-vous en terre inconnue, quelque part dans le désert de Californie, histoire de jouer la touche de terreur localisée. Les plans larges en travelling arrière depuis le véhicule affirme cette sensation d’isolement et provoque déjà un sentiment de malaise naturel, avant même de prendre le virage du drame.
Les « gars de la ville » vont chercher de l’aide auprès des autorités locales, mais qui vont surtout réussir par leurs étranges comportements à faire grimper le climat de tension de manière empirique. Et ce ne sont pas les autres locaux croisés sur leur route qui vont les rassurer !
Starrett joue sur les silences, les regards, les sous-entendus, les non-dits….pour entretenir un climat paranoïaque qui laisse augurer que le danger peut venir de tout le monde, n’importe quand, et que les « étrangers » en savent beaucoup trop. La découverte du chien étranglé, des crotales dans leur maison roulante, va faire monter de plusieurs tons la violence alors retenue, qui c’était quelque peu mis en pause après le meurtre. Un faux rythme, parfois un peu longuet mais toujours très pesant, et très habile pour nous préparer à l’électrochoc « fumant » de la conclusion.
Ce road treap sauce survival, s’il n’est pas exempt de quelques scories avec donc ces quelques temps morts un peu étirés, possède cette belle coloration d’une époque ou avec peu de moyens, pas mal de bricolage et surtout une bonne dose de créativité décomplexée on arrivait à faire du spectaculaire, du vrai bon cinoche divertissant, même en classe Bis. La scène du sacrifice filmée depuis l’autre rive est effrayante, proche d’un snuff movie, la course poursuite montée sur un rythme effréné avec ces explosions et froissage de tôle est digne d’un production plus « riche » a la « Sugarland express », le texan faisant preuve à cette occasion de grands talents de metteur en scène. Fonda, grand habitué des films contre culturels, star montante et ami (ils tourneront trois fois ensemble) apporte la caution artistique de l’interprétation partagée avec Warren Oates, cowboy confirmé. Ils donnent un supplément d’âme à une film qui n’en manque pas, dans ces peaux d’urbains itinérants.
Starrett a brillamment préparé son coup avec un twist ending déconcertant de noirceur. Comme toutes ces pelloches de ce cinéma d’exploitation tacheronnés avec amour, on est pris en tenaille entre les virées fantasques d’ « Easy rider »(Starrett en bon biker nous livrera sa scène en deux roues), la plouc-itude de « Délivrance », la sauvagerie de « La colline a des yeux » et le mysticisme de «The Wicker Man ». Mais “ Race with the Devil� est un magistral exercice de style, dans lequel Jack Starrett joue à l’équilibriste et marque de son sceau cette jouissive époque avec un produit unique, qui inspirera des générations de réalisateurs au point même d’en un remake en 2016.
Mais cette époque folle est révolue depuis bien longtemps, et avec elle, cette décennie formidable, brulée et carbonisée quelque part dans les contrées du sud profond