Belle opportunité que de revoir tout juste restauré « The Doors » au cinéma, biopic m'ayant laissé un souvenir à la fois positif et légèrement déconcerté. Impression confirmée ici, tant Oliver Stone a souhaité faire une œuvre à l'image de Jim Morrisson : ambitieuse, excessive, excitante, loin des portraits propres et lisses auxquels nous sommes si souvent habitués. Cela a pas mal d'avantages et aussi quelques inconvénients. D'un côté, cette plongée dans cette odyssée on ne peut plus « sexe, drogue et rock'n'roll » est follement immersive, offrant des scènes de concert absolument dantesques, la vision psychédélique que veut parfois apporter le réalisateur trouvant son aboutissement dans le passage consacré à
« The End » et sa « téléportation » dans le désert, l'occasion d'un trip hallucinogène avec pour sujet le fameux serpent de la chanson
, rarement vu dans l'Histoire du cinéma. L'occasion, également, pour Val Kilmer d'offrir une prestation XXL, éclipsant logiquement un casting par ailleurs très convaincant (mention spéciale à Kyle MacLachlan, dont la ressemblance est presque aussi bluffante que pour le chanteur), mais un peu trop laissé dans l'ombre du génial leader. Car vous l'aurez peut-être remarqué : au début de ma critique, j'ai bien écrit « à l'image de Jim Morrison », et non à l'image du groupe. C'est clairement ce qui obnubile Stone et vampirise en partie l'œuvre : alors il est évident qu'une telle personnalité ne peut qu'occuper le devant de la scène, mais du coup on a parfois presque l'impression de passer à côté du sujet, à savoir ce groupe mythique ayant révolutionné en quelques années la musique comme peu en ont été capables au XXème siècle. Finalement pas grand-chose sur la création des morceaux (Break On Through, leur premier, excepté), l'auteur de « Platoon » préférant trop souvent se noyer dans cet océan d'images, de couleurs, de lumières, parfois à raison, parfois de façon beaucoup plus vaine. Le film est long, ce qui se ressent notamment dans le dernier tiers, le scénario, tout en prenant en compte du mode de vie de plus en plus destructeur de Morrison, n'arrivant plus réellement à se renouveler, à proposer des situations nouvelles. Maintenant, il m'est difficile de faire une critique purement objective pour un tel titre, les Doors étant probablement mon groupe préféré et son chanteur l'une de mes icônes. J'aurais ainsi préféré un peu plus de l'un et un peu moins de l'autre, que certains passages s'éternisent moins. Mais au vu de toutes ces biographies proprettes et souvent sans personnalité, voir un cinéaste tel qu'Oliver Stone signer une œuvre aussi singulière, forte d'un travail sonore exceptionnel notamment dû à une technologie alors révolutionnaire, ne pouvait laisser indifférent un aficionado tel que moi : parfois épuisante et souvent déséquilibrée, mais surtout habitée comme rarement devant et derrière la caméra pour offrir un vrai moment de cinéma (et de musique) à des spectateurs peu habitués à une telle expérience. Inclassable.