C'est en voyant OSS 117 se déchaîne qu'on comprend la volonté de Michel Hazanavicius d'en faire un personnage exubérant, stupide et grossier, satire parfaite d'un sous James Bond ultra-violent et misogyne. Parfaitement interprété par un Dujardin au sommet de sa forme, Le Caire nid d'espion est de toute évidence un remake de ce troisième épisode d'une très longue saga, sûrement pas le meilleur qu'on aura pu y trouver.
La stupidité du tout, son côté divertissement primaire qui se contente de reprendre le Docteur No de Connery marquent dès le départ : il y a une volonté de faire de notre cher Hubert Bonnisseur de la Bath le symbole de l'espionnage français, puisque tourné par celui qui fera les Fantomas, André Hunebelle, qui aime pomper dans le cinéma de divertissement américain pour mettre en oeuvre ses plans et imager ses scénarios.
Affreusement plat dans sa mise en scène, OSS 117 se déchaîne peine à intéresser son spectateur, notamment du fait qu'il a du mal à gérer ses personnages et son action, s'enfermant dans un manque de rythme bâtard et peu propice au divertissement qu'il voulait être, ennuyant plus que ce qu'il amuse. Les combats ne viendront pas me contredire qui, s'ils sont parfaitement parodiés dans le film d'Hazanavicius, sont finalement plutôt rares dans la globalité du film et ne sont pas assez bien filmés pour qu'on ressente les coups portés (même si la scène du combat dans l'appartement, avec la chaise et le bordel qu'ils foutent dans la maison, est d'une violence intéressante pour l'époque).
Notons l'utilisation de Karaté dans certains combats, mode lancée à l'époque et qui se perdit, fort heureusement. On remarquera aussi l'utilisation abusive d'une bande-son certes classique et efficace, mais qui nous marquera plus par sa ressemblance avec la prochaine soundtrack de la trilogie Fantomas que par son originalité toute relative, ainsi qu'un passage filmé sous l'eau plutôt ambitieux pour l'époque, seul point véritablement marquant d'une mise en scène de série française qui se prend pour un thriller américain.
La qualité du noir et blanc surprendra, l'image étant majoritairement saturée de lumière, rendant son jeu d'ombre et de lumière grossier, pour ne pas dire peu nuancé. Il est plutôt moche et fait passer cet OSS 117 pour un film au rabais sans photographie travaillée, le grain d'image se contentant de donner quelques changements de ton une fois la nuit venue, ne posant un semblant d'atmosphère que dans les scènes en intérieur.
C'est aussi pour cela qu'il manque tant de rythme : si même son imagerie n'est que peu trépidante, qu'elle ne sait jamais quelles situations souligner, il est impossible d'intéresser plus de vingt minutes sur un sujet qu'il ne maîtrise jamais vraiment. Passons sur la prestation mécanique des acteurs qui, récitant leur texte avec la conviction théâtrale d'acteurs porno, devraient sérieusement songer à se retirer le balais qu'ils ont dans leur fondement pour nous offrir ne serait-ce qu'une émotion, et rendre leur diction tout de même plus vivante qu'une récitation de poésie au primaire.
Non, concentrons plutôt sur la bêtise de son écriture. Outre un scénario banal et pompant allègrement James Bond dans son déroulé, il ne fera aucun doute que ses réflexions et comportements misogynes intéresseront les fameux féministes de notre 21ème siècle : la femme y est un moyen d'arriver à ses fins, de se détendre un peu, d'affuter ses jeux de séduction, et d'assener toujours plus de répliques ringardes à son spectateur ébahi.
Il faudra le voir notre cher Hubert qui, parfait représentant de la toute puissance virile de l'homme, traitera les femmes de l'intrigue comme des bouts de viande créatrices de plaisir sexuel et qui, quand elle ne sont pas bonnes à entretenir le jeu de hanche Elvisien, n'ont d'utilité qu'en tant qu'éléments perturbateurs de l'intrigue, sombres traîtresses tellement vicieuses qu'elles finissent par devenir vraiment gentilles (avant d'y rester, bien sûr).
Passons donc sur l'énumération de toutes les réflexions affligeantes et des techniques de drague qui se terminent constamment sur des conquêtes réussies, Hubert devant faire rêver le jeune de l'époque qui, se découvrant une absence totale de pouvoir attractif sur le genre féminin, trouvera là le modèle à suivre s'il veut réussir socialement, un genre d'Eldorado de la baise à la française, loin des cigarettes et du poker américains.
OSS 117 se déchaîne c'est donc James Bond en fauché, Sean Connery après avoir perdu toute sa mise au poker, et qui ferait des heures sup' chez des réalisateurs de série b pas bien inspirés. C'est visuellement plutôt laid, long à en crever, mal écrit, incohérent (la méchante qui devient gentille sans raison valable), mené par des acteurs sans charisme et conclu par un méchant d'une simplicité affligeante, et suffisamment primaire pour en rire du regard d'aujourd'hui. C'était inconnu à l'époque, c'est devenu célèbre grâce à la parodie de 2006; il y a peut-être une logique dans le cinéma, finalement...