C'était sans doute une erreur de commencer la filmographie de Takeshi Kitano par Zatoichi, pas vraiment parce que je ne connaissais pas le héros japonais dont les aventures sont ici reprises (auparavant vu dans 25 films, quand même, soit plus que James Bond aujourd'hui). Simplement, Zatoichi est parait-il dirigé par un réalisateur qui se cherche, ayant délaissé son terrain d'expression préférentiel - les films de Yakuza - depuis quelques temps déjà. Et puisque je ne savais rien de la sensibilité artistique développée par le bonhomme, impossible de le voir se réinventer, ou impossible de sentir vraiment les partis pris visés, les pistes explorées. De ce pastiche, je retiendrai en fait avant tout son burlesque étonnant, qui alimente cette galerie de personnages archétypaux que Kitano s'amuse à construire puis à éliminer. "Kitano fait au film de sabre ce que Sergio Leone fit au western", peut-on lire sur la jaquette DVD française. Pour une fois, ce genre de pub n'est pas trop mensonger, tant le sillon comique, outrancier et follement divertissant qu'emprunte le réalisateur japonais peut rappeler la trilogie du dollar. Zatoichi est donc un long-métrage étonnant, qui admet lui-même son peu de poids au premier degré, préfère jouer avec les codes, et exprime presque explicitement ce geste artistique rare en chorégraphiant certaines scènes pour faire coïncider la musique extra-diégétique avec les mouvements et les gestes de personnages du décor (des paysans qui travaillent dans les champs, des ouvriers qui batissent un édifice...). L'impression produite est curieuse, brise un peu le quatrième mur en faisant rentrer le spectateur dans le film comme rarement cela peut être le cas. Le final, façon Bollywood, est dans la même ligne d'idées, et montre bien (si une preuve de plus était nécessaire) que Kitano veut se distancier des codes du chanbara, voire même d'une approche de genre classique, manifestant un élan de liberté artistique qui m'intrigue énormément. Sans doute n'avais-je pas les références pour apprécier au mieux mais qu'importe, il faut bien un début à tout, et j'ai quand même passé un bon moment. En fait, Sonatine et Hana-Bi devraient même suivre de près ce premier contact intriguant avec la filmographie de Takeshi Kitano.