Curieux ! L'industriel raisonne mieux que le cinéaste même lorsque celui-ci se veut entièrement commerçant. Avant de s'atteler à une production, le moins habile des industriels s'interroge et interroge et se renseigne. Des produits concurrents ou antérieurs, il cherche à connaître les qualités pour les imiter, les défauts pour les éviter. Le plus médiocre tâcheron, au cinéma, procède à l'inverse : il ignore résolument les règles perfectionnées par d'illustres prédécesseurs et les échecs obtenus par des prédécesseurs oubliés qui ont préféré, comme lui, l'ignorance. Il rassemble tous les défauts et fuit toutes les qualités. Exemple de cette manière aberrante : "Imogène McCarthery". Exemple de tâcherons maladroits : Magnet et Charlot. Pourtant, de quelle matière ils disposaient : Exbrayat, pilier de la collection "Le Masque" avec Agatha Christie, le roi de l'espionnage humoristique, du comique de caractère, de la commedia dell'arte, des livres à se plier en quatre du début à la fin, et son héroïne fétiche, Imogène la terrible rousse, "the red bull". L'adaptation à l'écran : pas de comique, des velléités, des amorces de situations, des tentatives de gags, des essais de répliques, tout n'est qu'embryon. Pas de jeu, des grimaces. Des acteurs chevronnés, suffisamment expérimentés pour jouer en pleine possession de leurs moyens. Mais comment échapper à ces rôles rendus transparents, comment animer de tels dialogues ! La colère : elle vous prend quand on mesure l'éloignement entre les possibilités et la réalisation ; entre les intentions et les effets ; entre les moyens et le résultat. Elle ne vous lâche plus quand on songe aux espoirs trahis. Elle vous étoufferait devant ce renoncement, cette faillite. Attention, messieurs les auteurs : Imogène, la vraie, celle d'Exbrayat, doit être très, très, très fâchée ! Z'auriez pas vu son jambonneau gauche ?