Highway to Hell oscille entre le bricolage malin et la démesure (narrative, esthétique), les élans superbes et les coups de frein donnés à la dynamique d’ensemble. Cette relecture tonitruante du mythe d’Orphée et d’Eurydice surprend par sa profonde liberté, quoiqu’elle se revendique de l’influence de la saga Mad Max (George Miller) et, plus généralement, du cinéma australien – on pense aussi au Razorback (1984) de Russell Mulcahy pour la peinture d’une faune dégénérée qui réagit à l’arrivée de personnages étrangers, ou encore à l’escouade terrifiante de The Cars That Ate Paris (1974) conçue par Peter Weir. Le décor désertique, ici capté dans les canyons de l’Ouest américain, partage cette attention portée à l’Outback, ensemble de territoires délaissés dans lesquels survivent les déclassés, les marginaux et les criminels ; en faire la zone d’entrée vers l’Enfer est une idée plutôt pertinente, rejoignant le calvaire enduré par la famille américaine moyenne dans The Hills Have Eyes (Wes Craven, 1977). Le visage de l’agent de police rappelle d’ailleurs les difformités faciales. Pourtant, l’ambiance électrique qui pèse sur le long métrage, l’écriture du scénario par étapes balisées qui insère Charlie dans un récit d’apprentissage de la violence adulte, la fétichisation de la figure du policier, l’attrait pour les courses de bolides lancés à toute allure, les situations proches du buddy movie, l’adoption d’un jeune garçon, tout cela ancre résolument le film dans le cinéma d’action de son temps.
Sa qualité principale réside alors dans l’univers mis en place, digne d’un conte initiatique : chaque lieu traversé en véhicule est visité, qu’il s’agisse de la taverne, de la boîte de striptease, du diner où l’on fait cuire viandes et œufs à même le sol du seuil extérieur ; la course-poursuite est l’occasion d’une cartographie surréaliste de ce parc d’attractions horrifiques, plein de mirages et de déjà-vus. La composition des plans n’est pas sans rappeler certaines toiles de Salvador Dalí, augmentées d’un bestiaire satanique tout droit sorti des œuvres de Jérôme Bosch – nous apercevons d’ailleurs l’une d’elles dans l’antre du démon.
Highway to Hell propose donc, à sa façon, un dialogue entre les arts : il mêle astucieusement références picturales, cinématographiques et musicales au profit d’un long métrage jouissif quoique inégal par moments – la scène réunissant Adolf Hitler et Cléopâtre laisse à désirer… – et convertit un budget modique en une source de créativité apparemment inépuisable. Une curiosité à découvrir, signée par un réalisateur hollandais autre que Paul Verhoeven : Ate de Jong.