On a affaire ici à un réalisateur talentueux qui s'engage sur un terrain miné : l'humour noir. Il s'est pris une mine, le pauvre... Car l'humour noir possède une efficacité à double tranchant : il faut l'utiliser à bon escient... Ça n'a pas du être bien compris par Alex Van Warmerdam...
En effet, son humour, n'ayons pas peur des mots, n'a aucune visée précise. Pas de dénonciation honorable, pas de message à faire passer... Rien, non, rien du tout ! Tout ce qui est ressenti lorsque l'on rit de cette pauvre fille qui sort de la boucherie en pleurant après s'être fait violer, c'est une honte immense et le désagréable sentiment d'être ignoble... Et on ne sait pas de quoi on rit ! Est-ce la mise en scène ? Il n'y a pourtant rien de drôle... On a donc l'impression de se moquer de ce viol...Ce qui est totalement immonde. Et extrêmement déplaisant ! C'est dommage, car quand on arrive à faire rire une salle sur un sujet aussi grave en ne misant que sur la force des plans utilisés, c'est qu'on a du talent...Mais le talent ne suffit pas.
L'humour noir, en plus d'être importun, est utilisé assez inégalement. En clair, le film est lent, trop lent, bien trop lent ! Lorsque le film ne suscite pas l'irritation par sa drôlerie ignoble, l'ennui s'installe. Et ça aussi, c'est pénible. "Les habitants" ne met pas trop de temps à rentrer dans l'action, certes, on est tout se suite dedans... Ou plutôt devrais-je dire jamais. Car c'est bien parce qu'on est au point mort durant tout le film qu'on a l'impression qu'il n'a pas mis de temps à démarrer. C'est parce qu'il n'a tout simplement jamais démarré.
Le point fort du film (le seul, en l'occurrence) est la performance des acteurs. Il faut le dire, ceux-ci sont tout justes parfaits. Tous, autant qu'ils sont ! Et c'est malheureusement parce qu'ils jouent trop bien leurs rôles qu'ils contribuent au désastre du rendu final...
Car il est difficile de s'attacher aux personnages créés par Van Warmerdam, peut être à cause de la mise en avant de leur défauts. On ne voit plus que ça, d'ailleurs ! Leurs défauts ! Ce qui est retenu du boucher, c'est que c'est un pervers qui viole toutes les femmes du lotissement une par une (quand elle ne sont pas consentantes)...Mais quoi d'autre ? Le facteur est trop curieux, le garde-chasse est impulsif, le gamin n'est pas si "niais" que ça...Mais quoi d'autre, bon sang ?! Rien ? Du vent ?! Ces "habitants" n'ont donc pas de qualités ! De plus, ceux-ci sont tous stéréotypés de la tête aux pieds...Comment peut-on s'attacher à des humains... inhumains ? Non, parce que entre ceux qui n'ont que des défauts, ceux qui sont des saints, et ceux qui...(comment qualifier le "fantasme" du fils du boucher ?) Donc, entre tous ceux là, qui pourrait dire quel est le plus humain ? Qui ?
Alors peut être que c'est volontaire, que le réalisateur a essayé de remettre en question le coté noir de l'humanité...Mais en tous les cas ce n'est pas très plaisant. Remettre le coté noir de l'humanité en question, c'est bien beau, mais ce n'est pas une raison pour mettre le spectateur mal à l'aise !
Pour ma part, il n'y a pas grand chose à retenir de ce film, si ce n'est que c'est ennuyeux, irritant, et que le réalisateur a du s'enfermer des mois dans un placard à balais avant d'être assez fou pour inventer une histoire pareille, alors je vais prestement oublier ce film, me mettre un bon Tarantino (lui au moins, à mon sens, sait utiliser l'humour noir), et vous conseiller d'en faire autant.