Russell Mulcahy a eu une triste carrière; il n'a, pour ainsi dire, fait que le premier Highlander de relativement bon (et encore, il a pris un sacré coup de vieux dans la gueule, qui le rapproche plus du film kitsch que de l'oeuvre culte), pour enchaîner sur sa suite décevante, et quelques productions z avec Dolph Lundgren ou Christophe Lambert, avant de sombrer dans les saga Resident Evil et Scorpion King.
Mais avant cela, il faisait The Shadow.
Si le Dick Tracy de Warren Beatty s'inspirait du travail de Tim Burton pour nous livrer une esthétique particulière et propre à l'adaptation de l'acteur/réalisateur, Mulcahy se contente de plagier ses deux Batman pour nous sortir une sorte de pastiche de son Bruce Wayne/Batman, pour ne pas dire que c'en est une drôle de parodie (involontaire, j'entends), et reprendre l'esthétique autrefois réussi de Burton, sans la comprendre ni l'égaler.
C'est un peu comme s'il convertissait les films avec Michael Keaton au format "série b" : banal divertissement, The Shadow plagie donc à la sauce nanar, et nous livre des scènes de poilade fantastiques sur fond de ville gothico-orange. Les mêmes rues y mènent aux mêmes effets de style, aussi kitschs que pompés, démontrant le manque d'imagination de son metteur en scène, réduit à plagier pour exister, sans même avoir la décence de bien le faire.
Ralentis et combats mal chorégraphiés viendront se joindre à de drôles de gros plans pour agrémenter cet univers particulier et savoureux, où Alec Baldwin en vient à surjouer les méchants et les gentils, sans nuance ni équilibre, au milieu d'une écriture chaotique, plombée par son manichéisme et ses incohérences. Elle aura aussi le mauvais goût de nous livrer un énième antagoniste qui veut gouverner le monde, ou le détruire s'il échoue.
C'était pourtant bien parti : l'inversement des rôles, faire du gentil un ancien méchant porteur d'une malédiction, le rire de Baldwyn, ses agissements pas très sympathiques, tout aurait pu conduire à une réflexion sur ce qui qualifie le vigilante de héros ou de vilain. Il se retrouve finalement rattaché à la place d'anti-héros, supposément annonciatrice d'un autre pan de réflexion qui ne viendra, bien sûr, jamais.
De toute évidence, il ne faut pas voir The Shadow autrement que pour ses tonnes de répliques nanardesques et déjà entendues dans des dizaines d'autres films d'action clichés, ses acteurs qui en font des tonnes, sa mise en scène qui aurait du être sobre, et la psychologie de ses personnages caricaturale, forcée, stéréotypée. Vous aurez même droit à l'inévitable histoire d'amour entre le héros et la donzelle qu'il devra sauver (et sauter), et pour laquelle il n'a, vraisemblablement, que peu de respect. C'est bourrin, primaire, mais non dénué de charme et persuadé de faire du bon travail. N'est-ce pas là le trait universel des nanars les plus savoureux? La télépathie présente tout du long vous répondra qu'il faut foncer voir cette drôle de copie Leader Price.