Ecrit et réalisé par Olivier Dujols (également auteur pour Falco sur TF1), Tu seras un Homme a été diffusé sur France 2 en 2008 (puis à nouveau en 2011). Et ce court-métrage, particulièrement intense et maitrisé, a aussi écumé les festivals : Clermont-Ferrand, Munich, Nice, Palerme, Milan, Paris...
Trois questions à Olivier Dujols
AlloCine : Ce court-métrage a été réalisé en 2008. C'est une "petite éternité" dans le milieu. Et vous avez beaucoup de choses depuis, notamment "Falco". Quels souvenirs gardez-vous de "Tu seras un Homme" ?
Olivier Dujols : Tu seras un homme est ma première expérience de court métrage financé. Avant celui-ci, j'en avais réalisé deux autres auto-produits. Cela fait une réelle différence d'avoir de l'argent, même peu, pour mettre en image une histoire et donner de l'ambition à un film. J'avais aussi conscience, au moment où je travaillais sur ce court, que ce serait sûrement la seule fois de ma vie où j'aurai l'opportunité de travailler en 35mm scope (donc en pellicule).
Le tournage a été un réel plaisir, notamment grâce à Ali Lakrouf, le chef opérateur. C'est essentiel pour moi de fédérer l'équipe, de leur faire part de mon ambition et de motiver chacun à chaque instant. Sur Tu seras un homme, je crois que j'y suis arrivé ne serait-ce que parce que le résultat reflète complètement l'envie que j'avais développée pendant la préparation du film. C'est cela mon meilleur souvenir sur ce film: la confiance réciproque qui s'est rapidement installée et la dévotion de toute l'équipe. Il faut se rendre compte que bosser sur un court métrage, c'est travailler intensément sur un projet qui tient à cœur surtout au réalisateur, en étant peu ou pas payé, avec des gens qu'on ne connait parfois que depuis trois heures... cela veut dire des tensions et parfois l'envie d'imposer son avis. Cela n'est jamais arrivé sur ce tournage, sauf peut-être une fois. Pour les scènes de bureau, je tenais absolument à faire un plan à travers un hublot. Je me fais gentiment engueuler par Ali et par ma scripte, Julie Darfeuil, qui m'expliquent qu'il ne sera pas montable... Je sais pas... moi j'y crois. Au final, on a tous eu raison. J'ai fait mon plan malgré eux et cela m'a donné d'autres idées mais, comme ils l'avaient prévu, il n'était pas montable. Peu importe, ce qui était important c'est que le flux créatif n'ait jamais été bloqué.
Je me souviens aussi de la douceur de Makena Diop, le comédien principal et de la fidélité de Pascal Rénéric. Pascal est un comédien incroyable qui ne fait presque que du théâtre. Mais chaque fois que je l'appelle pour travailler (pas aussi souvent que je le voudrais) il répond oui avant même que je lui explique le projet.
"Tu seras un Homme" repose sur une composition du cadre très solide. Des lignes fortes, des encadrements de porte, des rayons de lumière ou d'ombre traversant le cadre... Quel était le "prjet" de mise en scène ?
Comme il y avait suffisamment d'argent pour financer des moyens techniques (merci au producteur, Olivier Gastinel), je voulais des plans très posés. Ce film est celui de tempêtes intérieures invisibles à l'extérieur. Je voulais surtout montrer le calme et que le cadre soit à son image. Donc des plans fixes, des travellings lents. Je crois aussi que j'étais un peu "timide" et que le film aurait sûrement mérité quelques gros plans en plus. Au tournage, cela me semblait trop intrusif. Je l'ai regretté au montage.
Je voulais aussi éviter de démultiplier les plans. Je souhaitais raconter beaucoup dans un même cadre. Comme il y avait beaucoup de séquences avec un seul personnage, cela s'y prêtait très bien. Je voulais aussi, quelque soit le décor, utiliser le plus de profondeur possible, filmer à travers des portes, des vitres, des miroirs... et ainsi créer des séparations entre les personnages. Et puis j'aime la notion de "cadre dans le cadre".
En terme de lumière, j'avais adoré les films de Wong Kar-Wai. Je voulais, avec nos moyens, retrouver ce genre d'ambiance avec des couleurs, des néons et de la saturation. Par exemple, j'ai fait mouiller tout le bitume de la scène du parking pour que les lumières des bâtiments s'y reflètent. Je ne sais pas si le spectateur y est sensible mais, artistiquement, cela donnait une cohérence à l'ensemble.
Au final, je ne suis pas un technicien. Je comprends la technique de la caméra sans la maîtriser. Par contre, je suis très proche de l'histoire, des personnages et surtout des comédiens. Le but de ma réalisation était de leur donner l'espace nécessaire à l'expression des émotions que je cherchais à filmer: solitude, incompréhension, attente, espoir, rage, colère, étonnement... Filmer une émotion, c'est surtout trouver le moment juste pour faire apparaître la bascule de cette émotion, par exemple le moment où l'on passe du calme à la colère. Dans ma mise en scène, je partais avec une idée précise du rythme émotionnel de la scène que j'adaptais au tournage en fonction de ce que me donnait le comédien.
Un prochain court-métrage dans les tuyaux ?
Depuis Tu seras un homme, j'ai tourné un autre court métrage, Entre lui et moi, toujours avec Olivier Gastinel en producteur et Ali Lakrouf en chef opérateur. Il tourne actuellement dans les festivals. Les rôles principaux sont tenus par Johan Libéreau, Xavier Maly et Julie-Marie Parmentier. C'est un tout autre style, en caméra à l'épaule, avec des cadres plus proches des personnages, mais le même genre d'histoire, c'est-à-dire les relations entre parents et enfants. Par contre, je suis pris aujourd'hui à 100% sur la série Falco et je n'ai plus le temps de développer d'autres projets de courts ou même de longs, malgré l'envie.
Propos recueillis par Thomas Destouches le 22 septembre 2014
Remerciements à Olivier D.