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    Aux animaux la guerre : que vaut la série adaptée du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 ? [POUR/CONTRE]

    "Aux animaux la guerre", la série adaptée du roman de Nicolas Mathieu (prix Goncourt 2018) avec Roschdy Zem, a divisé la rédaction d'AlloCiné. Voici notre critique !

    Benoît LINDER / EUROPACORP TELEVISIONS / FTV

    De quoi ça parle ?

    Championne des causes perdues, chargée de trouver un accord de fermeture d’usine dans les Vosges, l’inspectrice du travail Rita sait qu’elle ne sauvera au mieux que quelques salariés sur la centaine laissée sur le carreau. Un soir, les phares de sa vieille voiture éclairent une jeune fille courant à demi nue… Deux ouvriers désespérés - deux pauvres types comme Martel, le syndicaliste qui planque ses tatouages, et Bruce, le bodybuilder sous stéroïdes - ont eu la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Épinal et Nancy.

    Aux Animaux la guerre (6x52 minutes) réalisée par Alain Tasma, d'après le roman de Nicolas Mathieu (éditions Actes Sud).

    Avec Roschdy Zem, Olivia Bonamy, Rod Paradot, Lola Le LannFlorent Dorizon...

    Les jeudis 22 et 29 novembre à 20h50 sur France 3

    À quoi ça ressemble ?

    Ça vaut le coup d'oeil ?

    POUR

    C'est par un hasard total que France 3 a programmé les débuts de sa mini-série Aux Animaux la guerre, quelques jours à peine après l'obtention du prix Goncourt par Nicolas Mathieu pour son second roman Leurs enfants après eux (éditions Actes Sud).

    Dans ce feuilleton choral aux allures de polar social, Roschdy Zem incarne Martel, un délégué syndical confronté à la fermeture prochaine de son usine ; alors que ses collègues comptent sur lui pour les défendre auprès de la direction, ce dernier fait également face aux menaces d'expulsion de sa mère par la maison de retraite où elle vit, après plusieurs mois d'impayés.

    Videur de boîte de nuit le soir pour se faire de l'argent supplémentaire, Martel est alors convaincu par Bruce, un bodybuilder sous stéroïdes, de travailler pour le compte d'un mafieux local. Leur mission paraît simple : kidnapper une jeune fille et la livrer à leur commanditaire. Mais la situation leur échappe et les conséquences vont peu à peu impliquer divers personnages de la région. A commencer par Rita, une inspectrice du travail idéaliste bien décidée à trouver une solution pour empêcher la fermeture de l'usine qui emploie Martel.

    Il n'est guère difficile de se laisser entraîner par Aux Animaux la guerre grâce à son intrigue et sa mise en scène impeccable signée Alain Tasma. Parmi les reproches que l'on pourrait néanmoins faire à la série, une exposition des personnages beaucoup trop longue (il faut en effet attendre plusieurs épisodes pour que l'histoire ne démarre véritablement) et la faiblesse de ses intrigues secondaires, notamment celle des personnages incarnés Rod Paradot (César du meilleur espoir pour La Tête haute) et Lola Le Lann (Un moment d'égarement).

    Reste qu'au fur et à mesure des épisodes, Aux Animaux la guerre tient toutes ses promesses, aussi bien comme polar haletant que comme le portrait social d'une France confrontée aux difficultés financières du quotidien et au spectre du chômage.

    Clément Cusseau

    Benoît LINDER / EUROPACORP TELEVISIONS / FTV

    CONTRE

    Le milieu ouvrier, prolétaire, la souffrance au travail, les délocalisations et fermetures des usines sont un paysage très peu représenté à l’écran, surtout à la télévision. Aux Animaux la guerre venait donc défricher le terrain, révéler un pan de la société autrement que par le prisme parfois déformant des chaînes  d’informations en continu. A sa sortie en 2014, Le Canard Enchaîné parle du roman de Nicolas Mathieu comme d’une "sociologie avec un flingue", une façon de mêler le roman noir et le drame social. Ce qu’il en reste à l’écran est plat. Un récit choral sans intensité, où tout est nivelé sur une même tonalité, neutre et sans éclat.

    De cette dimension sociale qui montre les dents, il ne reste que les muscles artificiellement gonflés aux stéroïdes du roman noir. Un côté baudruche un peu faux et disgracieux qui déséquilibre un récit ballotté à droite à gauche au fil de personnages à l’intérêt inégal. Si on voit très bien la fiction sortir le flingue, la partie politique est plus timide. La colère gronde mais à voix basse, étouffée par les archétypes mafieux. C’est frustrant de voir ainsi le récit sortir de ses rails syndicalistes. De fables sombres sociologiques, il reste une carcasse qui légitime la série mais sur laquelle il manque une vraie incarnation physique des rapports de force entre direction et prolétariat.

    Aux Animaux la guerre observe à distance, la faute à une construction malhabile qui privilégie des choses trop superficielles. De fiction âpre et en colère, il reste une image incomplète, des intentions, des promesses non tenues. Au milieu, demeure Roschdy Zem, toujours impeccable en animal blessé. Son personnage est le vaisseau principal de la série, celui qui contracte ses qualités et ses défauts. Son corps usé, son regard un peu las, sa colère sourde, ses fonctions dépassées, un portrait en dur, qui délimite les fonctions revendicatrices. A l’opposé, son association avec le débutant Florent Dorizon dans un arc narratif guère passionnant et déjà vu coupe l’élan. Aux Animaux la guerre est peut-être l’histoire d’une occasion manquée. Celle d’offrir une vraie oeuvre aux accents syndicalistes sur la violence du monde du travail. En diffusant la série, France 3 montre qu’il existe une place pour ce type de fiction. C’est déjà presque une petite victoire.

    Guillaume Nicolas

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