Avec Julie Ledru, Yanis Lafki, Antonia Buresi...
De quoi ça parle ? Julia vit de petites combines et voue une passion dévorante, presque animale, à la pratique de la moto. Un jour d’été, elle fait la rencontre d’une bande de motards adeptes du cross-bitume et infiltre ce milieu clandestin, constitué majoritairement de jeunes hommes. Avant qu’un accident ne fragilise sa position au sein de la bande...
Naissance du projet
Lola Quivoron connaît bien le milieu des rodéos. Lorsqu'elle était enfant, elle habitait à Epinay-sur-Seine (93) et voyait des jeunes en moto-cross passer en bas de son immeuble. Elle a par ailleurs rencontré les protagonistes de son court métrage Au Loin Baltimore (2015) alors qu'elle était à la Femis : "J’étais tombée sur des vidéos sur les réseaux sociaux de jeunes qui pratiquaient le cross-bitume et qui se faisaient appeler Dirty Riderz Crew. J’ai contacté le leader du groupe, Pack, qui m’a invité à passer du temps sur leur ligne d'entraînement, dans le 77", se souvient la cinéaste, en poursuivant : "J’ai vraiment été saisie. Ça a été une rencontre physique. Les moteurs sont très forts, la pratique assez brutale, c’est très impressionnant. Ils se croisent sur des lignes qui sont des routes à double sens assez étroites. J’y suis retournée une cinquantaine de fois et je me suis liée d’amitié avec eux."
La révélation Julie Ledru
La cinéaste Lola Quivoron a mis beaucoup de temps à trouver l'interprète de Julia. C'est grâce à Instagram qu'elle est tombée sur le compte "Inconnue_du_95" d'une certaine Julie Ledru. Elle se rappelle : "Et elle fait de la bécane. On se donne rendez-vous à Beaumont-Sur-Oise, en banlieue parisienne." "Je connaissais cette ville que j’avais traversée lors des premières commémorations pour la mort d’Adama Traoré. Je me suis dit que c’était un signe. Elle arrive avec sa vieille veste Honda et elle me raconte toute son histoire. Je lui parle de ce personnage féminin qu’elle semble comprendre de manière hyper évidente." "En rentrant du rencard, j’appelle Antonia et je lui dis « c’est trop bizarre cette meuf c’est une grosse mytho. Elle m’a raconté sa vie, c’est l’histoire du film. » Je ne sais pas comment le dire mais ça a été comme un miracle, comme si deux bouts se rejoignaient. Le réel et la fiction."
Inspirations cinéma
Lola Quivoron avait en tête plusieurs références cinématographiques au moment de l’écriture de Rodeo. Parmi elles, La Fureur de vivre et De bruit et de fureur. La cinéaste se remémore : "De bruit et de fureur est un très grand film. J’aime sa brutalité, son immense poésie, sa force onirique. J’ai l’impression de comprendre la violence de chaque personnage." "Le personnage de Julia est très inspiré des figures paranoïaques du cinéma. Je suis fascinée par les personnages ingrats, drogués, en proie à des crises existentielles parfois autodestructrices."
Format western
La réalisatrice Lola Quivoron a tourné Rodeo avec une caméra Arri Alexa Mini, dans un format cinémascope (2:39), avec des objectifs Master Prime anamorphiques, comme dans les westerns classiques : "Cela donne une force spectaculaire au regard documentaire que je tenais aussi à préserver. Je souhaitais faire ressentir la sensation physique des corps emportés par la vitesse et l’adrénaline de la bike-life", précise-t-elle.
Cannes et polémique
Rodeo a été présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2022, où certains des propos de Lola Quivoron ont suscité la polémique lors d'une interview pour Konbini. Dans cette dernière, la réalisatrice a dit : "Les accidents, ils sont souvent causés par les flics, qui prennent en chasse, qui poussent les riders vers la mort, en fait, concrètement." Ces dires ont engendré de vives réactions sur les réseaux sociaux : de la part de certains politiques, comme le maire de Cannes David Lisnard, mais aussi des internautes (dont bon nombre de riverains confrontés au passage d'adeptes du cross-bitume dans leur quartier). À quelques jours de la sortie en salles du long métrage, Lola Quivoron a toutefois expliqué : "Mes propos ont été caricaturés, surinterprétés, extrapolés au fil des articles et des plateaux TV par des journalistes, qui n’avaient eux-mêmes pas vu mon film. Dans l’interview de Konbini, les journalistes m’interrogent sur le cross bitume en effaçant leurs questions." "Ma phrase les accidents sont souvent causés par les flics qui prennent en chasse et qui poussent les riders vers la mort, volontairement érigée en slogan, a été totalement tronçonnée, saucissonnée et recomposée. Ce type de montage transforme le sens et produit un discours en flux tendu, sans déploiement réel d’arguments, rendant ma parole superficielle, brutale, et agressive."