La fin du Festival approche. Le film de clotûre de la Quinzaine des réalisateurs, Le Parfum vert a été dévoilé : ce 3ème long métrage de Nicolas Pariser, après Le Grand jeu et Alice et le maire, est une comédie policière, "entre Tintin et Hitchcock" et réunit Vincent Lacoste et Sandrine Kiberlain.
Quant à la compétition officielle, elle arrive presque à son terme. Avant de découvrir demain les tous derniers films en lice, deux nouveaux favoris se dessinent... Close, nouveau film du réalisateur de Girl (Lukas Dhont). Kore-Eda, grand habitué du Festival, revient avec Les Bonnes étoiles, 4 ans après sa Palme d'or pour Une affaire de famille. Toujours en compétition, nous passons également en revue Tourment sur les îles d'Albert Serra, avec Benoit Magimel.
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Le Parfum Vert de Nicolas Pariser (Quinzaine des Réalisateurs)
Après Le Grand Jeu et Alice et le maire, Nicolas Pariser revient avec un nouveau film très différent, présenté en clôture de la Quinzaine des réalisateurs. Le Parfum Vert est une comédie d'espionnage burlesque qui emprunte son supense et son aspect policier au cinéma d'Hitchcock et qui puise son inspiration narrative dans l'univers de Tintin. Un héros qui se rapproche de Martin, le personnage incarné par Vincent Lacoste. Ce comédien de la Comédie-Française en pleine instance de divorce assiste impuissant au décès sur scène en pleine représentation d'un de ses partenaires de jeu et va se retrouver malgré lui suspect numéro 1 de ce qui se révèle être un meurtre. Martin se lance alors dans une enquête folklorique avec Claire (Sandrine Kiberlain), une dessinatrice de BD qui fuit son échec professionnel et une pression familiale, pour cette folle aventure. Comme avec Fabrice Luchini et Anaïs Demoustier dans Alice et le maire, Nicolas Pariser réunit une nouvelle fois un duo inattendu mais terriblement savoureux et efficace dans un conte finement écrit et très réjouissant. Mégane Choquet
Close de Lukas Dhont (Compétition officielle)
En 2018, Lukas Dhont présente son premier film, Girl, à Cannes et remporte la Caméra d’or. Aujourd’hui, il revient avec un second long métrage, Close, présenté en Compétition. Il raconte l’amitié passionnelle de deux adolescents de 13 ans, Léo et Rémi. Le premier décide brusquement de prendre ses distances lorsque leur proximité devient un sujet de moqueries au collège. Cette séparation va déclencher un événement dévastateur. Close emporte tout sur son passage. Lukas Dhont offre un mélodrame à la fois intense et tout en retenu. Le réalisateur utilise les silences, les regards et les corps pour mieux raconter une histoire qui pourrait se passer de mots. Le film est porté par une excellente distribution. Il y a, tout d’abord, deux actrices confirmées, Léa Drucker et Emilie Dequenne - poignante à chacune de ses apparitions à l’écran, mais surtout deux révélations magnétiques : Gustav De Waele et Eden Dambrine. Coup de cœur. Thomas Desroches
Tourment sur les îles d'Albert Serra (Compétition)
Trois ans après son Prix du Jury dans la section Un certain regard pour Liberté, Albert Serra figure dans la Compétition officielle avec Tourment sur les îles (ou Pacifiction). Et c'est une véritable expérience cinématographique que le cinéaste espagnol nous offre et qui divisera forcément tant la proposition est radicale et psychédélique. Le film, sous des airs lynchiens, suit l'errance labyrinthique de De Roller (Benoît Magimel étonnant), un Haut-Commissaire de la République, représentant de l'État Français, sur l'île de Tahiti en Polynésie française. Cet homme pugnace, cynique et calculateur qui essaie de se mettre la population dans la poche par des beaux discours et des fausses promesses se heurte à une menace de rébellion et d'une grande colère des habitants suite à une rumeur persistante sur une potentielle reprise des essais nucléaires français. Entre la pression de la population et les menaces gouvernementales, De Roller sent l'île l'engouffrer alors qu'il plonge dans une paranoïa étrange et hypnotique à l'image des plans contemplatifs de l'île que nous offre Albert Serra, en plus des dialogues forcés et quasi grotesques qui renforcent l'absurdité d'un monde oppressant et injuste. Mégane Choquet
Le Bleu du caftan (Un Certain Regard)
Halim est marié depuis longtemps à Mina, avec qui il tient un magasin traditionnel de caftans dans la médina de Salé, au Maroc. Le couple vit depuis toujours avec le secret d’Halim, son homosexualité qu’il a appris à taire. La maladie de Mina et l’arrivée d’un jeune apprenti vont bouleverser cet équilibre. Unis dans leur amour, chacun va aider l’autre à affronter ses peurs. A l'image du tissu du caftan qui donne son titre au film, Le Bleu du caftan est une oeuvre très délicate, douce, qui aborde avec pudeur le sujet de l'homosexualité au Maroc. Cela repose sur un scénario fin, qui prend le temps de nous dévoiler les personnages progressivement. Des scènes fortes se dégagent du film. L'interprétation du trio qui compose le film est toujours juste : Saleh Bakri, Lubna Azabal et Ayoub Missioui. Le Bleu du caftan est réalisé par Maryam Touzani (qui avait précédemment réalisé Adam), et coécrit par cette dernière et Nabil Ayouch (Much Loved, Haut et fort). Brigitte Baronnet
As Bestas de Rodrigo Sorogoyen (Cannes Première)
Après le bouleversant Madre, l’Espagnol Rodrigo Sorogoyen revient dans tout autre genre avec le terrifiant As Bestas. L’histoire d’un couple de Français - interprété par Denis Ménochet et Marina Foïs - installé dans un petit village de Galice pour y construire un havre de paix. Leur présence et leur opposition à un projet d’éolienne va attiser la haine de leurs voisins, deux frères, prêts à tout, surtout au pire, pour leur faire vivre un cauchemar. Vrai thriller oppressant, suffocant même, As Bestas nous emmène dans la campagne espagnole, décor idéal pour isoler ses personnages et mettre le spectateur sous tension. La violence gronde de plus en plus dans le film, alors que les moments de discorde s’accumulent. Impossible de ne pas penser au Les Chiens de paille avec Dustin Hoffman, mais aussi à Délivrance de John Boorman le temps d’une scène très marquante. Thomas Desroches
Les Bonnes étoiles d'Hirokazu Kore-Eda (Compétition)
En 2018, le Japonais Hirokazu Kore-Eda remportait la Palme d'Or avec Une affaire de famille. L'année suivante, c'était au tour du film coréen Parasite, dans lequel on retrouvait l'acteur Song Kang-Ho. Aujourd'hui, c'est ensemble qu'ils se lancent dans la compétition cannoise, le second devant la caméra du premier, qui change de nouveau de pays. Après la France, où il a examiné le mythe Catherine Deneuve, le voici en Corée du Sud. Mais avec ses thèmes de prédilection habituels que sont la famille et l'enfance, sur fond de phénomène de société. Il y est des question des boîtes dans laquelle des femmes peuvent abandonner leur bébé en toute sécurité, en place dans le pays depuis 2010. C'est ainsi que commence Les Bonnes étoiles, avant que deux hommes ne récupèrent illégalement le bambin pour tenter de lui trouver un nouveau foyer. On pense parfois à Little Miss Sunshine, lorsque cette famille recomposée et dysfonctionnelle (à laquelle vient se greffer la mère de l'enfant) traverse le pays en van. Il y a aussi un peu d'éléments policiers avec cette capitaine (Doona Bae) qui les suit pour tenter de les prendre en flagrant délit. Mais c'est surtout l'émotion qui prédomine. Sans trop en faire, comme d'habitude chez le réalisateur, capable de nous cueillir avec un simple geste, alors que le récit s'inscrit dans la continuité de ses films précédents, Tel père, tel fils en tête. On pourrait accuser la fatigue accumulée en cette fin de festival pour les larmes provoquées. Mais il faut tout simplement admettre que Les Bonnes étoiles et très beau. Et bouleversant. Kore-Eda va-t-il rejoindre le club très fermés des des doubles palmés ? Maximilien Pierrette