Un parfum de scandale sur la Croisette ! Car le film du jour n'était autre que le très attendu Benedetta de Paul Verhoeven, avec Virginie Efira, présenté en Compétition. Une section dans laquelle une autre femme s'est illustrée dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, avec la révélation Renate Reinsve.
Alors que Catherine Corsini, également en Compétition, s'inscrit dans une actualité brûlante avec La Fracture, Kogonada se tourne vers un futur proche avec la pépite de SF After Yang, portée par Colin Farrell et Jodie Turner-Smith.
Les Magnétiques a quant à lui exercé son pouvoir d'attraction avec succès à la Quinzaine des Réalisateurs, une vache a captivé les festivaliers dans Cow d'Andrea Arnold et le réalisateur de Valse avec Bachir Ari Folman s'est penché, en animation, sur l'histoire et l'héritage d'Anne Frank.
Benedetta de Paul Verhoeven (Compétition officielle)
Longtemps attendue, elle est là. La Benedetta de Paul Verhoeven, adaptation du livre de l'historienne Judith C. Brown, raconte le destin d'une religieuse sujette à des visions et accusée de lesbianisme avec une autre nonne de son couvent. Le sujet est parfait pour le réalisateur hollandais, toujours prompt à bousculer, déranger, si ce n'est choquer le spectateur. Ce drame sur la foi et la vérité est un succès. Le cinéaste signe un film passionnant, qui incite aux débats. Parfois premier degré, le long métrage bascule, à certains moments, dans l'outrance et l'humour pour mieux désorienter le public. Virginie Efira, qui poursuit une carrière ponctuée de prises de risques, atteint un sommet dans la peau de cette héroïne trouble et fascinante. Thomas Desroches Tantôt madone au visage d'ange, élue et habitée, tantôt manipulatrice profane et amante passionnée : sous la direction de Paul Verhoeven à qui elle se livre corps et âme, Virginie Efira sème le trouble et c'est peu dire. Scène de sexe osées, nu frontal esthétisé, transes colériques, elle ose tout, magnifiée par l'intelligence d'un cinéaste qui n'a pas peur de choquer et qui poursuit à 83 ans sa mise en scène du corps des femmes comme arme contre les interdits, sa réflexion sur le mystique versus le véridique, et son idée d'une foi compatible avec une (homo)sexualité. Entre autres choses tout aussi sulfureuses qui vont réveiller, à n'en pas douter, la Croisette cette année. Laetitia Ratane
Les Magnétiques (Quinzaine des Réalisateurs)
En se penchant sur le récit d’émancipation d’un jeune prodige de la musique dans la période rock des années 1980, Vincent Maël Cardona livre Les Magnétiques, un premier long-métrage plein de fougue et touchant où la mise en scène poétique et le travail sur le son font des merveilles. Révélé dans Vif-Argent (présenté à l’ACID à Cannes en 2019), Thimotée Robart confirme son talent dans ce drame avec une vibrante performance. Mégane Choquet
La Fracture de Catherine Corsini (Compétition officielle)
L'histoire de deux amoureuses au bord de la rupture, d'un gilet jaune révolté et d'une infirmière débordée au sein d'un hôpital au bord de l'asphyxie, qui vont confronter leurs univers et revoir leurs priorités face à l'urgence. Urgence de soigner, urgence de ne plus se laisser faire, urgence d'aimer. Chez Catherine Corsini dans La Fracture, se pose la question des priorités face à un système en crise, vicié par un manque de reconnaissance et bien trop d'inégalités. Un système qu'incarne à la perfection la révélation Aissatou Diallo Sagna, face à une Valeria Bruni Tedeschi animée d'une hilarante douce folie, à une Marina Foïs spectatrice choquée, et à un Pio Marmaï plus énergique que jamais. Un beau film, cocasse, très drôle et en même temps très dur et engagé. Laetitia Ratane
After Yang (Un Certain Regard)
Véritable coup de cœur de ce Festival de Cannes : After Yang, un film d’anticipation dans lequel un père et sa fille adoptive tentent de sauver leur androïde baby-sitter défectueux. L’artiste Kogonada (Columbus) fait de cette adaptation de la nouvelle Saying Goodbye to Yang d’Alexander Weinstein un ovni délicat et émouvant porté par un Colin Farrell à son meilleur et une jeune Malea Emma Tjandrawidjaja déjà très talentueuse. Le film convoque notre rapport à l’image, à l’héritage culturel et à l’essence même de l’humanité dans un tourbillon de douceur et de poésie très contemporain et esthétiquement superbe. Mégane Choquet
Cow d'Andrea Arnold (Cannes Première)
4 ans après American Honey, présenté en compétition à Cannes, Andrea Arnold revient avec un projet inattendu, le documentaire Cow. C’est un film à la limite du documentaire expérimental, sans voix off, et avec pour seule bande son, ou presque, les expressions des vaches, que nous invite à découvrir la cinéaste britannique. Sa manière de filmer ces vaches, et en particulier ses deux « héroïnes », rend le spectateur très actif dans cette expérience de cinéma : comment rester indifférent au regard fixe que nous adresse Luma au début du film. Et on se prend à repenser à cette expression « regard bovin », ce regard prétendument vide. Andrea Arnold porte un regard tout à fait singulier et captivant sur ces vaches. On a du mal à quitter ce groupe lorsque le film se termine d’une manière brutale, rappelant l’audace d’Andrea Arnold. Brigitte Baronnet
Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier (Compétition)
Retour en Compétition pour le Norvégien Joachim Trier ! Sept ans après Back Home, il nous présente Julie (en 12 chapitres). Soit un moment charnière de la vie amoureuse d'une jeune trentenaire racontée, comme son titre français l'indique, en 12 chapitres auxquels il faut ajouter un prologue et un épilogue. Un découpage très littéraire sur le papier qui, à l'écran, rappelle Annie Hall et (500) jours ensemble. Pour sa manière de raconter son histoire et sa justesse lorsqu'il s'agit de se pencher sur les rapports amoureux, avec un mélange de drame et de comédie. Son universalité aussi. Car si Julie (en 12 chapitres) est le magnifique portrait d'une femme libre et moderne, chacun pourra se reconnaître en elle et voir de sa propre expérience dans un segment ou un autre. Mais à l'arrivée, on en ressort léger et ému, avec le sentiment d'avoir assisté à un film splendide, plein de nuances et de moments de grâce. Une grâce qui s'incarne grandement en Renate Reinsve. Aperçue dans Oslo, 31 août de Joachim Trier il y a dix ans (son premier rôle au cinéma), elle crève l'écran avec ce personnage immédiatement attachant qui pourrait lui valoir un prix d'interprétation féminine. Ou tout simplement une belle suite de carrière. Maximilien Pierrette
Où est Anne Frank ! d'Ari Folman (Hors-Compétition)
13 ans après Valse avec Bachir, Ari Folman présente Où est Anne Frank ! sur la Croisette. Une autre histoire mêlant guerre et animation, si ce n'est que celle-ci est connue dans le monde entier grâce au célèbre "Journal d'Anne Frank". Mais le réalisateur n'en fait pas une adaptation littérale, se contentant de mettre en images quelques-uns de ses passages. Le reste du long métrage est focalisé sur Kitty, l'amie imaginaire à qui Anne Frank écrivait et qui prend vie à notre époque. L'occasion pour le metteur en scène de faire des allers et retours dans le temps et se pencher sur le pouvoir de l'imagination autant que questionner l'héritage de l'auteure du journal, dans un monde sans cesse en guerre. Malgré de nombreuses séquences très fortes visuellement, le résultat donne parfois l'impression d'être face à trois longs métrages réunis en un. Ce qui ne l'empêche pas de poser des questions pertinentes lorsqu'il met en parallèle le sort d'Anne Frank et celui des migrants, alors que le projet est hautement personnel pour Ari Folman, dont les parents sont entrés à Auschwitz le même jour que ceux d'Anne Frank. Maximilien Pierrette