Assistant de Pasolini
Fils d'Attilio Bertolucci, poète et critique de cinéma, Bernardo Bertolucci se voit offrir à l'âge de quinze ans une caméra 16 mm avec laquelle il réalise ses premiers courts métrages. C'est en 1961 à l'université de Rome, où il étudie la littérature, qu'il fait la rencontre d'un ami de son père, Pier Paolo Pasolini, qui lui propose d'être son assistant sur Accatone. Fort du succès du film, Bernardo Bertolucci est contacté par le producteur Antonio Cervi pour porter à l'écran son propre scénario, La Commare secca, l'histoire d'une enquête policière sur l'assassinat d'une prostituée.
Scénariste d'Il était une fois dans l'Ouest
En 1963, il enchaîne avec le tournage de Prima della rivoluzione, auréolé du Prix de la Jeune Critique au Festival de Cannes 1964. Une fois passé derrière la caméra, Bernardo Bertolucci n'en oublie pas moins ses fonctions de scénariste. Il écrit notamment le script de Il était une fois dans l'Ouest (1968). Adhérant par ailleurs au Parti Communiste Italien, il impreigne de son engagement politique plusieurs de ses films comme Partner (1968), La Stratégie de l'araignée (1970) et Le Conformiste (id.).
Le Dernier tango à Paris
En 1972, Bernardo Bertolucci remporte son plus gros succès commercial avec le sulfureux Dernier tango à Paris, interprété par un monstre sacré de l'époque, Marlon Brando. Cette réussite lui permet de réaliser trois ans plus tard 1900 (1976), une fresque, portée par un prestigieux casting international (Robert De Niro, Gérard Depardieu ou encore Burt Lancaster), sur l'itinéraire de deux Italiens nés dans un même village au début du XXe siècle. Revenant à une thématique plus intimiste, le cinéaste dirige Jill Clayburgh en mère d'un fils drogué dans La Luna (1979), un film qui aborde le thème de l'inceste. Il convoque ensuite Ugo Tognazzi dans La Tragédie d'un homme ridicule, un drame familial qui vaut au comédien le Prix d'interprétation masculine au Festival de Cannes 1981.
Du Dernier empereur à Little Buddha
En 1987, Bernardo Bertolucci fait son grand retour au cinéma en évoquant le destin du Dernier empereur de Chine. Neuf Oscars, dont ceux du Meilleur film et du Meilleur réalisateur, récompensent ce film à grand spectacle. Changement de décors pour ses deux longs métrages suivants : le Sahara pour Un thé au Sahara (1990), l'adaptation du roman de Paul Bowles, et le Tibet pour Little Buddha (1993), fresque dans laquelle Keanu Reeves tient le rôle titre.
Derniers drames
Le réalisateur italien effectue ensuite un retour aux sources avec Beauté volée (1995), une comédie dramatique se déroulant en Toscane et qu'illumine le doux visage de la révélation féminine Liv Tyler. Quatre ans après Shandurai (1999) qu'interprète Thandie Newton, il renoue avec un certain idéal de gauche en mettant en scène The Dreamers (2003), un drame sur l'effervescence révolutionnaire de mai 1968. En 2013, il signe son dernier long métrage, Moi & toi, l'histoire d'un adolescent qui décide de s'isoler pour faire le point sur sa vie jusqu'à l'arrivée impromptue de sa demi-soeur. A sa mort, le quotidien italien La Repubblica titrera que Bertolucci était l'un des "derniers grands maîtres" du cinéma italien.
La bande-annonce du "Dernier tango à Paris" :
Le Conformiste (1971)
Adaptation du roman éponyme d'Alberto Moravia, publié en 1951, Le Conformiste est l'un des chefs-d'oeuvre du maître Bertolucci, qui livre une puissante analyse d'une adhésion au fascisme motivée par des ressorts intimes et psychologiques. Jean-Louis Trintignant alias Marcello, le fasciste par conformisme dans l'Italie mussolinienne, y trouve un de ses plus grands rôles, brillamment épaulé par la comédienne Dominique Sanda.
Le Dernier tango à Paris (1972)
Tourné en pleine période de libération sexuelle et des moeurs, Le Dernier tango à Paris a pourtant fait l'objet d'attaques très vives à sa sortie en 1972. De nombreuses critiques et associations s'élevant alors contre ce qu'elles qualifiaient de débauches de pornographie. Alors que certains pays de l'Union Européenne ont classé X le film; en France, le film a été interdit au moins de 18 ans. Quant à Italie, patrie de Bernardo Bertolucci, elle a purement et simplement interdit le film de salle. La célèbre scène de "sodomie au beurre" fut totalement improvisée entre Bernardo Bertolucci et Marlon Brando, sans en avoir informé à l'avance Maria Schneider. Bien que cette scène soit simulée, les larmes de l'actrice, en état de choc, sont réelles. De nombreuses années plus tard, l'actrice a déclaré s'être sentie totalement humiliée par cette scène, et ne l'a jamais pardonné au réalisateur. Celui-ci finira par s'excuser, des années après.
1900 (1976)
De la mort du compositeur Giuseppe Verdi à la libération de l'Italie par les troupes alliées, Bertolucci balaye dans cette immense fresque de 5h30 (!) en deux parties tout un pan, souvent tragique, de l'Histoire de son pays. Oeuvre parfois comparée au Guépard de Visconti pour sa puissance visuelle et narrative, à la violence parfois insoutenable, 1900 et sans doute LE chef-d'oeuvre du cinéaste, qui relate le destin d'Olmo Dalco, qui appartient au monde des métayers, et de son ami Alfredo Berlinghieri, petit-fils d'un riche propriétaire. Deux vrais-faux frères incarnés par un fabuleux duo d'acteurs, Gérard Depardieu et Robert de Niro, épaulés par un extraordinaire casting : Donald Sutherland, Burt Lancaster, Sterling Hayden et Dominique Sanda.
Le Dernier empereur (1987)
Nommé dans neuf catégories aux Oscars 1988, Le Dernier empereur les remporta toutes, dont celle du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleur scénario. Sublime fresque retraçant le destin à la fois grandiose et tragique du dernier empereur de Chine, Pu Yi, qui monta sur le trône céleste à l'âge de 3 ans en 1908 pour terminer sa vie comme jardinier d'un parc botannique à Pékin avant de s'éteindre, en 1967. Historiquement, Le Dernier empereur est le premier long métrage autorisé à filmer dans la Cité Interdite. Le premier film occidental à avoir obtenu cette permission fut un documentaire américain pour la chaîne NBC en 1973.
Un Thé au Sahara (1990)
Nouvelle collaboration entre son scénariste Mark Peploe et Bernardo Bertolucci après Le Dernier empereur, Un Thé au Sahara relate l'histoire d'un jeune couple d'Americains, Port Moresby (John Malkovich) et Kit (Debra Winger), partant pour l'Afrique en 1947 à la recherche de leur amour que la civilisation d'après-guerre perturbe. Un beau film, à défaut d'avoir été un triomphe en salle.
Little Buddha (1993)
D'une durée initiale de 140 min, Little Buddha fut raboté de 15 min par Harvey Weinstein pour son exploitation aux Etats-Unis. Pour le réalisateur de 1900 (5h25 au compteur, certes en deux parties) et Le Dernier empereur (160 min), plutôt habitué aux longues durées, le coup fut rude. Raison invoquée pour ces coupes ? Du Harvey Weinstein dans le texte : "trop d'images religieuses de nature à brouiller la compréhension du film". Ce film, dans lequel Keanu Reeves joue la réincarnation de Siddartha, fut un échec cuisant en salle.
Beauté volée (1996)
Si cette histoire de jeune américaine au seuil de l'âge adulte débarquant en Toscane est loin d'être la meilleure oeuvre de Bertolucci, elle a eu toutefois le mérite de filmer une Liv Tyler lumineuse et naturelle. A noter par ailleurs qu'il s'agit de la dernière apparition à l'écran de l'immense Jean Marais, qui décèdera deux ans plus tard, à l'âge de 84 ans.
Innocents - The Dreamers (2003)
Avec pour toile de fond la France déchirée de Mai 68, Innocents - The Dreamers met en scène l'histoire d'Isabelle et son frère Théo, restés seuls à Paris pendant les vacances de leurs parents, qui invitent chez eux Matthew, un étudiant américain. Dans cet appartement où ils sont livrés à eux-mêmes, ils vont fixer les règles d'un jeu qui les amènera à explorer leur identité émotionnelle et sexuelle. Au fil des heures, la partie s'intensifie, les sens et les esprits s'exacerbent... Ce dérangeant ménage à trois est porté par un beau trio : Michael Pitt, Louis Garrel, et surtout une sublime Eva Green, LA révélation du film, promise à une solide carrière.
Moi et toi (2013)
Présenté au Festival de Cannes hors compétition en 2013, Moi et toi était le premier film du réalisateur Bernardo Bertolucci depuis 10 ans. Peu de temps après son film précédent, Innocents - The Dreamers (2002), il a souffert de problèmes de dos qui l'ont conduit à une immobilité forcée et était depuis en fauteuil roulant, ce qui a freiné un temps son travail. Le film est aussi un véritable retour aux sources puisqu'il s'agissait également du premier long-métrage qu'il tournait dans sa langue et son pays d'origine depuis La Tragédie d'un homme ridicule (1981). Il s'agit là de son dernier film.