"Merci d'aimer les films" : c'est avec ces mots simples que Shailene Woodley a exprimé sa gratitude au moment de recevoir le Prix Nouvel Hollywood du 44ème Festival de Deauville. "Dans un monde où le chaos est si répandu et les opinions plus polarisées que jamais, peut-être que le cinéma est comme un temple, où nous venons en communion pendant deux heures, assis ensemble dans le noir sans débattre de ce que nous pensons être bien ou mal, ni pointer nos différences du doigt. Nous nous autorisons seulement à ressentir."
"Sans vous et des festivals comme celui-ci, je ne pense pas que nous aurions la possibilité de suivre une thérapie ensemble comme nous le faisons à chaque fois que nous voyons un film. Merci de vous soucier de la branche indépendante de cette industrie. Vous en faites autant partie que moi-même. Sans vous, je n'aurais pas de travail. Et sans les millions de personnes qui m'entourent dans ce milieu, nous n'aurions pas d'histoires à transmettre aux générations futures." Des propos proches de ceux qu'elle tenus à la presse quelques heures auparavant, louant notamment les productions locales : "Il y a une vraie sensibilité qui se dégage du cinéma français, et qui est différente et unique de celui d'où je viens. Vous avez une approche différente de la fabrication des films, du paysage et de leur ton."
Beaucoup de mouvements se produisent tous les jours et changent vraiment les vies de beaucoup de gens
Révélée au très grand public grâce à ses rôles dans The Descendants, Divergente ou Nos étoiles contraires, Shailene Woodley tourne depuis plus de vingt ans et paraît aussi posée qu'engagée au moment d'évoquer plusieurs sujets qui concernent le cinéma de près ou de loin, à commencer pour les secousses engendrées par l'affaire Harvey Weinstein : "Le mouvement #MeToo a commencé des années avant qu'Hollywood n'y fasse attention", nous précise-t-elle. "Cela signifie qu'il est très puissant de voir un hashtag reconnu à travers le monde, et qu'un mouvement est né de là, ce qui veut dire que des gens se sentent moins seuls dans leur démarche et vis-à-vis de leurs tourments. Mais beaucoup de mouvements se produisent tous les jours et changent vraiment les vies de beaucoup de gens."
"Quand des célébrités, venues d'Hollywood ou ailleurs, élèvent cette plate-forme, c'est magnifique. Mais nous devons rendre hommage à ceux qui ont permis qu'elle se mette en place. Reconnaître qu'il est facile de reprendre quelque chose sans être dans l'irrévérence par rapport à son origine." Et dans le milieu du cinéma plus précisément ? "Déjà il y a beaucoup de gens qui n'y travaillent plus (rires) Ce qui est plutôt concret. Comme dans tout mouvement, quelque chose se passe car il y a comme une révolution. Et il y a tant de colère contenue et réprimée pendant de nombreuses années que lorsque les portes s'ouvrent, cette colère sort de façon bruyante et féroce. Ce qui est bien et important quand des personnes comme Harvey Weinstein ne sont plus en poste et n'abusent plus de gens."
"Mais cela peut aussi être dommageable, car une fois que tous ces changements sont nés, il faut se soucier de la façon de reconstruire, de repartir à zéro d'une manière pleine de compassion et d'empathie. J'aimerais, aujourd'hui, que les hommes et les femmes puissent se rassembler pour communiquer et reconstruire ensemble, en symbiose et de façon équilibrée, plutôt que de manière dispersée, patriarcale ou matriarcale. Mais les changements actuels auront des répercussions tout au long de l'Histoire, ce qui est énorme, magnifique, excitant. Cela signifie que je peux avoir des enfants et que si j'ai une fille, elle naîtra dans un monde où elle peut gagner autant d'argent que son frère. Car c'est ahurissant de constater que les femmes gagnent moins que les hommes, dans mon pays et dans beaucoup d'autres tout autour du monde. Il nous reste encore beaucoup de travail."
En matière d'égalité entre hommes et femmes comme d'écologie, autre grand engagement de Shailene Woodley : "Je crois fermement à cette idée des deux faces d'une même pièce, des deux polarités et du fait que le négatif doit accueillir le positif. Je travaille donc avec des environnementalistes, des gens qui se battent contre ceux qui utilisent des chaudières à combustiles fossiles près des maisons de personnes qui se retrouvent avec des allergies, des cancers très forts. Des choses que nous ne connaissons pas car il n'y a rien de cela au pied des buildings dans lesquels nous vivons."
"Je travaille également avec une organisation environnementale. Il y en a beaucoup mais je pense qu'il convient d'avoir une vue d'ensemble : nous pourrions parler de recyclage toute la journée mais, raisonnablement, même si nous éliminions tout le plastique de cette planète - ce qu'il nous faut faire - il y a encore beaucoup de choses auxquelles nous ne pensons pas ou n'avons aucun intérêt de penser quotidiennement. Même moi : je peux me considérer environnementaliste, mais je me déplace en avion. Il nous faut trouver l'équilibre entre utiliser des nouvelles technologies que nous possédons mais auxquelles nous ne touchons pas, aussi bien les énergies nouvelles que les innovations liées aux véhicules, pour être conscient d'une vue d'ensemble compréhensible par les seuls gouvernements actuellement."
Shailene Woodley sera bientôt au coeur de la saison 2 de Big Little Lies qui, comme elle nous l'a confié, n'évoquera pas les mouvements Time's Up et #MeToo car "il s'agit avant tout d'une série sur la psychologie féminine." Rendez-vous en 2019, sur HBO et OCS, pour découvrir la suite de l'histoire. Et sans aucun doute quelques éléments du passés de Jane Chapman, personnage joué par l'actrice.
Il vous reste quelques mois pour rattraper la saison 1 si vous ne l'avez pas vue :
Propos recueillis par Maximilien Pierrette & Corentin Palanchini à Deauville le 5 septembre 2018