Le Septième Sceau (1957)
C’est en général ce film de la carrière du cinéaste qui vient le premier aux lèvres des connaisseurs quand on évoque Ingmar Bergman. Il raconte le retour au pays d’un chevalier appelé Antonius Blok (Max von Sydow) qui, rentrant des Croisades, rencontre la Mort sur une plage. Au lieu de se livrer sans résistance, ce héros médiéval lui propose une partie d’échec. S’il gagne, il aura la vie sauve.
Sorti le 16 février 1957, année la plus prolifique de son auteur (comme l’explique le documentaire Ingmar Bergman, une année dans une vie qui sortira le 19 septembre 2018), ce film est le premier dont le cinéaste a pu conserver un contrôle artistique total. Sans surprise, son sujet principal est un thème qui hantera Bergman tout au long de sa filmographie : la mort, inéluctable. On trouve aussi au générique une femme qui partagera la vie du réalisateur pendant un temps et jouera dans onze de ses longs métrages pour le cinéma (et deux téléfilms) : Bibi Andersson. L’inoubliable photographie en noir et blanc très contrastée est signée Gunnar Fischer, collaborateur habituel de Bergman pendant les années 1950. C’est sa lumière qui sublimera la séquence finale où la Mort accompagne les héros du film dans une danse macabre.
Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes en 1957, Le Septième Sceau a pris une telle place dans l’histoire du cinéma que de nombreux cinéastes l’ont parodié, de Woody Allen à Brian de Palma en passant par John McTiernan dans Last Action Hero. Au détour d’une séquence, le personnage interprété par Bibi Andersson propose des fraises sauvages à Max von Sydow, symbole de l’été et des plaisirs simples de la vie. Dans la foulée de la sortie du Septième Sceau entre une pièce de théâtre, un téléfilm, trois relations amoureuses et malgré d’épouvantables aigreurs d’estomac, Ingmar Bergman commencera l’écriture de son film suivant, qu’il tournera pendant l’été de la même année : Les Fraises Sauvages, évidemment.
Les Fraises Sauvages (1957)
Deuxième film mis en boite et sorti dans le courant de l’année 1957, Les Fraises Sauvages est un autre monument de la carrière de Bergman. Il suit le docteur Isak Borg qui, âgé de 78 ans, se rend à une cérémonie pour son jubilé. Faisant chemin à l’arrière de sa limousine, il se remémore les grands moments de sa vie, fait le point sur ses regrets et se réconcilie avec lui-même.
Il s’agit là d’une oeuvre encore plus personnelle pour le cinéaste, qui s’est toujours consacré à son travail plutôt qu’à sa vie privée, délaissant souvent ses six enfants. Le rôle principal est tenu par Victor Sjöstrom, le plus légendaire réalisateur suédois avant que le nom de Bergman change la donne. Comme pour se mettre en scène lui-même, le cinéaste confie donc le rôle d’un homme vieillissant, qui s’est trop donné à son travail, au plus grand metteur en scène local hors Bergman. Le personnage principal, Isak Borg, partage d’ailleurs avec lui ses initiales. Max von Sydow et Bibi Andersson sont encore de la partie, tout comme Gunnar Fischer, de nouveau à la photographie.
Sorti le 26 décembre 1957 en Suède, Les Fraises Sauvages offrira à Ingmar Bergman sa première nomination aux Oscars en 1960 pour son scénario original. Le réalisateur, lui, a profité de la fin de l’année pour écrire et tourner Au Seuil de la Vie avec… Bibi Andersson, Max von Sydow et une lumière de Gunnar Fischer, bien entendu.
Persona (1966)
Si Persona demeure encore aujourd’hui un des plus intrigants et mystérieux films de la carrière de Bergman, on y retrouve tout de même une autre de ses préoccupations majeures : la psyché féminine. Une actrice frappée de mutisme part en cure accompagnée d'une infirmière bavarde. Un lien sensuel va se créer entre les deux personnages et inverser les rôles, à mesure que l’actrice retrouve sa parole et que s’efface celle qui la soigne.
La structure narrative peu conventionnelle de Persona peut surprendre, d’autant que les séquences d’interactions entre les deux femmes sont parfois entrecoupées d’images oniriques, mettant en scène le fils de l’héroïne, Elisabeth Vogler. Pour l’interpréter, Bergman fait appel à une autre comédienne emblématique de son œuvre : Liv Ullman, qu’il retrouvera également à dix reprises et avec laquelle il entretiendra une relation. Face à elle, sans surprise, Bibi Andersson joue la nourrice. Inlassablement, ces deux étoiles du cinéma suédois vont se donner la réplique et libérer leur parole pour aboutir à l’un des plus grands films traitant de la sexualité féminine.
Il se murmure souvent que Mulholland Drive, réalisé par David Lynch en 2001, serait un remake inavoué de Persona. On y retrouve en effet une similitude essentielle : une actrice souffrante (amnésique chez Lynch, muette chez Bergman) noue une amitié mystérieuse et sulfureuse avec une autre femme. Le titre Persona, quant à lui, fait références aux masques portés dans l’Antiquité par les acteurs de théâtre. Comme pour Les Fraises Sauvages, Bergman aura profité d’un séjour à l’hôpital (pour soigner une pneumonie) pour écrire ce film.
Cris et chuchotements (1972)
Si les interactions entre femmes et la peur de la mort sont deux thèmes indéniablement bergmaniens, Cris et chuchotements s’impose comme le long métrage incontournable de la carrière du cinéaste associant les deux. Le film se déroule dans un manoir où résident trois sœurs et leur servante. L’une d’elles, atteinte d’un cancer de l’utérus, agonise tandis que ses sœurs se relaient à son chevet. Dans ce climat insoutenable, de vieilles rancœurs de famille refont surface.
Ingmar Bergman s’est enfin détourné de son noir et blanc si familier pour passer à la couleur. Et comme Chaplin avait enfin embrassé le parlant avec maestria, Bergman épouse son nouvel outil avec autant de prestige. C’est le chef opérateur Sven Nykvist qui se charge de la lumière de Cris et chuchotement, si bien qu’il remportera l’Oscar de la meilleure photo en 1974. Les inoubliables intérieurs rouges écarlates de la résidence viennent souligner la violence des rapports entre les personnages, ainsi que l’angoisse et la souffrance éprouvées par Agnès, incarnée par une autre habituée du cinéma du metteur en scène : Harriett Andersson (sans lien de parenté avec Bibi Andersson). Ils tourneront neuf longs métrages ensemble.
Et si Bibi Andersson n’est pas de la partie cette fois, Liv Ullman est bien là dans le rôle de la plus jeune des trois sœurs : Maria. La comédienne et le cinéaste venaient juste de rompre après quatre ans de vie commune. Dans le rôle de la troisième sœur, Karin, encore un visage bergmanien célèbre, celui d’Ingrid Thulin.
Fanny et Alexandre (1983)
Si chaque film de Bergman raconte une facette de son réalisateur, comme pour s’examiner à la loupe, Fanny et Alexandre est probablement le plus ouvertement autobiographique. Alors que les précédents films évoqués ne durent qu’une heure et demie, celui-ci s’étend sur plus de trois heures dans sa version cinématographique. Un découpage en plusieurs épisodes réalisé pour la télévision l’allonge jusqu’à 5h21.
Fanny et Alexandre sont deux enfants d’une famille heureuse du début du XXème siècle : les Ekdahl. Mais lors du décès de leur père décède, ils déménagent avec leur mère chez son nouvel époux, un pasteur luthérien austère et cruel. Ce n’est pas un hasard, puisque le père d’Ingmar Bergman était lui aussi membre du clergé protestant. Et si le cinéaste a écrit dans ses mémoires (Laterna Magica, 1987) que son père s’était souvent montré violent avec lui, il semblerait que ce soit plutôt son frère aîné Dag qui lui ait servi de souffre-douleur. Cette fois, Bibi Andersson et Liv Ullman ne sont pas au générique, mais Harriett Andersson interprète un rôle secondaire.
Parfois acclamé comme le meilleur long métrage signé Bergman, Fanny et Alexandre remporte quatre Oscars : meilleur décor, meilleurs costumes, meilleure photographie (à nouveau pour Sven Nykvist) et, bien sûr, meilleur film en langue étrangère. Au cours de sa carrière, le réalisateur passera neuf fois à côté de la statuette, malgré ses cinq nominations en tant que scénariste, deux pour la mise en scène, et deux citations pour meilleur film. Il n’obtiendra qu’un trophée honorifique en 1971. Idem pour la Palme d’Or qui lui échappera inlassablement, jusqu’à ce qu’il obtienne la Palme des Palmes en 1997 pour l’ensemble de sa carrière.
Le Septième Sceau (1957)
C’est en général ce film de la carrière du cinéaste qui vient le premier aux lèvres des connaisseurs quand on évoque Ingmar Bergman. Il raconte le retour au pays d’un chevalier appelé Antonius Blok (Max von Sydow) qui, rentrant des Croisades, rencontre la Mort sur une plage. Au lieu de se livrer sans résistance, ce héros médiéval lui propose une partie d’échec. S’il gagne, il aura la vie sauve.
Sorti le 16 février 1957, année la plus prolifique de son auteur (comme l’explique le documentaire Ingmar Bergman, une année dans une vie qui sortira le 19 septembre 2018), ce film est le premier dont le cinéaste a pu conserver un contrôle artistique total. Sans surprise, son sujet principal est un thème qui hantera Bergman tout au long de sa filmographie : la mort, inéluctable. On trouve aussi au générique une femme qui partagera la vie du réalisateur pendant un temps et jouera dans onze de ses longs métrages pour le cinéma (et deux téléfilms) : Bibi Andersson. L’inoubliable photographie en noir et blanc très contrastée est signée Gunnar Fischer, collaborateur habituel de Bergman pendant les années 1950. C’est sa lumière qui sublimera la séquence finale où la Mort accompagne les héros du film dans une danse macabre.
Prix Spécial du Jury au Festival de Cannes en 1957, Le Septième Sceau a pris une telle place dans l’histoire du cinéma que de nombreux cinéastes l’ont parodié, de Woody Allen à Brian de Palma en passant par John McTiernan dans Last Action Hero. Au détour d’une séquence, le personnage interprété par Bibi Andersson propose des fraises sauvages à Max von Sydow, symbole de l’été et des plaisirs simples de la vie. Dans la foulée de la sortie du Septième Sceau entre une pièce de théâtre, un téléfilm, trois relations amoureuses et malgré d’épouvantables aigreurs d’estomac, Ingmar Bergman commencera l’écriture de son film suivant, qu’il tournera pendant l’été de la même année : Les Fraises Sauvages, évidemment.
Les Fraises Sauvages (1957)
Deuxième film mis en boite et sorti dans le courant de l’année 1957, Les Fraises Sauvages est un autre monument de la carrière de Bergman. Il suit le docteur Isak Borg qui, âgé de 78 ans, se rend à une cérémonie pour son jubilé. Faisant chemin à l’arrière de sa limousine, il se remémore les grands moments de sa vie, fait le point sur ses regrets et se réconcilie avec lui-même.
Il s’agit là d’une oeuvre encore plus personnelle pour le cinéaste, qui s’est toujours consacré à son travail plutôt qu’à sa vie privée, délaissant souvent ses six enfants. Le rôle principal est tenu par Victor Sjöstrom, le plus légendaire réalisateur suédois avant que le nom de Bergman change la donne. Comme pour se mettre en scène lui-même, le cinéaste confie donc le rôle d’un homme vieillissant, qui s’est trop donné à son travail, au plus grand metteur en scène local hors Bergman. Le personnage principal, Isak Borg, partage d’ailleurs avec lui ses initiales. Max von Sydow et Bibi Andersson sont encore de la partie, tout comme Gunnar Fischer, de nouveau à la photographie.
Sorti le 26 décembre 1957 en Suède, Les Fraises Sauvages offrira à Ingmar Bergman sa première nomination aux Oscars en 1960 pour son scénario original. Le réalisateur, lui, a profité de la fin de l’année pour écrire et tourner Au Seuil de la Vie avec… Bibi Andersson, Max von Sydow et une lumière de Gunnar Fischer, bien entendu.
Persona (1966)
Si Persona demeure encore aujourd’hui un des plus intrigants et mystérieux films de la carrière de Bergman, on y retrouve tout de même une autre de ses préoccupations majeures : la psyché féminine. Une actrice frappée de mutisme part en cure accompagnée d'une infirmière bavarde. Un lien sensuel va se créer entre les deux personnages et inverser les rôles, à mesure que l’actrice retrouve sa parole et que s’efface celle qui la soigne.
La structure narrative peu conventionnelle de Persona peut surprendre, d’autant que les séquences d’interactions entre les deux femmes sont parfois entrecoupées d’images oniriques, mettant en scène le fils de l’héroïne. Pour l’interpréter, Bergman fait appel à une autre comédienne emblématique de son œuvre : Liv Ullman, qu’il retrouvera également à dix reprises et avec laquelle il entretiendra une relation. Face à elle, sans surprise, Bibi Andersson joue la nourrice. Inlassablement, ces deux étoiles du cinéma suédois vont se donner la réplique et libérer leur parole pour aboutir à l’un des plus grands films traitant de la sexualité féminine.
Il se murmure souvent que Mulholland Drive, réalisé par David Lynch en 2001, serait un remake inavoué de Persona. On y retrouve en effet une similitude essentielle : une actrice souffrante (amnésique chez Lynch, muette chez Bergman) noue une amitié mystérieuse et sulfureuse avec une autre femme. Le titre Persona, quant à lui, fait références aux masques portés dans l’Antiquité par les acteurs de théâtre. Comme pour Les Fraises Sauvages, Bergman aura profité d’un séjour à l’hôpital (pour soigner une pneumonie) pour écrire ce film.
Cris et chuchotements (1972)
Si les interactions entre femmes et la peur de la mort sont deux thèmes indéniablement bergmaniens, Cris et chuchotements s’impose comme le long métrage incontournable de la carrière du cinéaste associant les deux. Le film se déroule dans un manoir où résident trois sœurs et leur servante. L’une d’elles, atteinte d’un cancer de l’utérus, agonise tandis que ses sœurs se relaient à son chevet. Dans ce climat insoutenable, de vieilles rancœurs de famille refont surface.
Ingmar Bergman s’est enfin détourné de son noir et blanc si familier pour passer à la couleur. Et comme Chaplin avait enfin embrassé le parlant avec maestria, Bergman épouse son nouvel outil avec autant de prestige. C’est le chef opérateur Sven Nykvist qui se charge de la lumière de Cris et chuchotements, si bien qu’il remportera l’Oscar de la meilleure photo en 1974. Les inoubliables intérieurs rouges écarlates de la résidence viennent souligner la violence des rapports entre les personnages, ainsi que l’angoisse et la souffrance éprouvées par Agnès, incarnée par une autre habituée du cinéma du metteur en scène : Harriett Andersson (sans lien de parenté avec Bibi Andersson). Ils tourneront neuf longs métrages ensemble.
Et si Bibi Andersson n’est pas de la partie cette fois, Liv Ullman est bien là dans le rôle de la plus jeune des trois sœurs : Maria. La comédienne et le cinéaste venaient juste de rompre après quatre ans de vie commune. Dans le rôle de la troisième sœur, Karin, encore un visage bergmanien célèbre, celui d’Ingrid Thulin.
Fanny et Alexandre (1983)
Si chaque film de Bergman raconte une facette de son réalisateur, comme pour s’examiner à la loupe, Fanny et Alexandre est probablement le plus ouvertement autobiographique. Alors que les précédents films évoqués ne durent qu’une heure et demie, celui-ci s’étend sur plus de trois heures dans sa version cinématographique. Un découpage en plusieurs épisodes réalisé pour la télévision l’allonge jusqu’à 5h21.
Fanny et Alexandre sont deux enfants d’une famille heureuse du début du XXème siècle : les Ekdahl. Mais lors du décès de leur père décède, ils déménagent avec leur mère chez son nouvel époux, un pasteur luthérien austère et cruel. Ce n’est pas un hasard, puisque le père d’Ingmar Bergman était lui aussi membre du clergé protestant. Et si le cinéaste a écrit dans ses mémoires (Laterna Magica, 1987) que son père s’était souvent montré violent avec lui, il semblerait que ce soit plutôt son frère aîné Dag qui lui ait servi de souffre-douleur. Cette fois, Bibi Andersson et Liv Ullman ne sont pas au générique, mais Harriett Andersson interprète un rôle secondaire.
Parfois acclamé comme le meilleur long métrage signé Bergman, Fanny et Alexandre remporte quatre Oscars : meilleur décor, meilleurs costumes, meilleure photographie (à nouveau pour Sven Nykvist) et, bien sûr, meilleur film en langue étrangère. Au cours de sa carrière, le réalisateur passera neuf fois à côté de la statuette, malgré ses cinq nominations en tant que scénariste, deux pour la mise en scène, et deux citations pour meilleur film. Il n’obtiendra qu’un trophée honorifique en 1971. Idem pour la Palme d’Or qui lui échappera inlassablement, jusqu’à ce qu’il obtienne la Palme des Palmes en 1997 pour l’ensemble de sa carrière.