L'acteur français Pierre Deladonchamps a soufflé ses 40 bougies début juin ! L'occasion pour nous de revenir sur un parcours atypique du cinéma français, et le rapport au corps développé dans la (trop) récente carrière du comédien. Il est à l'affiche ce mercredi, avec Mélanie Thierry, de Le Vent tourne, de Bettina Oberli.
La révélation du lac
Originaire de Nancy, Deladonchamps débute après avoir terminé le cours Florent. Il tourne alors dans des épisodes de séries télé, fait une apparition au cinéma (Skate or Die) et dans deux téléfilms. Cependant, il peine à percer. Malgré le lancement de sa carrière en 2001, Pierre Deladonchamps s'est fait connaître dans L'Inconnu du lac en 2013 lorsque le film fut présenté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes. Un lac et la forêt qui l'entoure offrent un lieu idéal pour le naturisme et des amours entre hommes loin du regard des curieux.
Dans ce long métrage, on découvre aussi bien le comédien que son corps, puisque le rôle exige de passer une grande partie du film nu. Ayant toute confiance dans le metteur en scène Alain Guiraudie, il accepte en sachant que les scènes d'amour seront réalisées par des doublures : "Les scènes d’étreintes et de simulation sexuelle, nous les avions répétées en amont, parfois même chorégraphiées, raconte-t-il à Grand écart. "Nous avions d’une part la contrainte de l’axe de la caméra, et puis aussi le souhait d’une certaine fluidité, sans pour autant en faire des scènes parfaites. Dans la vie quand on fait l’amour, on est parfois un peu gauche, on hésite, on est mal installé, etc. On a voulu garder cette authenticité". Sa prestation lui vaut à 36 ans le César du meilleur espoir masculin 2014.
Corps à coeur chez Téchiné
Ce qui convainc les cinéastes sont la finesse du visage du comédien et son regard tantôt inquiet tantôt enfantin. Il est ainsi appelé par Philippe Lioret pour jouer un homme à la recherche de son père dans Le Fils de Jean, qui sera suivi par une collaboration avec André Téchiné pour jouer un déserteur qui pour ne pas retourner au front de la Première guerre mondiale se travestit et finit par découvrir sa bisexualité (Nos Années folles).
Dans ce dernier film, Deladonchamps se plonge avec plaisir dans ce rôle qui se débarrasse de sa virilité d'abord pour sa survie, ensuite par plaisir. Le comédien avait d'ailleurs adorer changer d'apparence, il témoignait à notre micro avoir apprécié d'"expérimenter sur mon visage et mon corps des trucs en terme de maquillage, de tenues, de faux seins, de hanches… La seule chose qui ne me plaisait pas du tout, c'était de m'épiler tout le corps".
Et à ceux qui penseraient sa carrière enfermée dans les rôles de personnages gays, il répond : "Je ne sais pas pourquoi on me propose ces rôles, mais je n’y réfléchis pas trop. Je n’ai pas de stratégie, je fais les films et les rôles qu’il me paraît important de faire. Et tant pis pour le calendrier et les thématiques proches, c’est le hasard d’une carrière".
Pour le moment plutôt spécialisé dans le drame, au fond de lui, Deladonchamps a l'envie de faire rire. Son rêve est de monter seul sur scène ou d'écrire une comédie. Les sketchs qu'il a coécrits avec Zabou Breitman pour les César 2015 et 2016 témoignent de ses possibilités en la matière.
Des projets alléchants
Le comédien était présent au 71ème Festival de Cannes dans trois nouveaux films. Il était le rôle principal de Plaire, aimer et courir vite de Christophe Honoré (actuellement en salles) présenté en Compétition et des Chatouilles sélectionné à Un Certain Regard. Le premier raconte un amour homosexuel estival dans lequel Deladonchamps joue encore une fois avec sa nudité, et le second un témoignage sur la pédophilie dans lequel il est glaçant et joue de son charisme naturel. Encore une fois, Deladonchamps s'amuse avec son corps en se faisant notamment vieillir pour les besoins du film, ce qu'il avait déjà tenté dans Nos Années folles.
C'est au micro du Progrès que Deladonchamps se confie le plus à propos de son jeu corporel, notamment sur Plaire, aimer et courir vite : "Mon corps fait partie de mon outil, comme ma voix, mon visage, mes expressions, ma sensibilité ou le côté dur que je peux avoir. Mon corps est là, il est comme ça, il ne changera pas. Je ne le cultive pas, il fait ce que je lui demande. J’essaie d’incarner les choses, de ne pas être seulement cérébral. On ne croit jamais autant à un personnage que quand tout le corps parle pour lui. Le jeu non verbal a une grande importance pour moi".
Outre son jeu d'acteur misant sur le physique, Deladonchamps vient également de passer à la réalisation pour le court métrage Âmes soeurs présentant la vengeance d'une amoureuse contrariée. Au casting, on retrouve la jeune Adèle Wismes, déjà au casting de Plaire, aimer et courir vite. En ce mois de septembre, il est à l'affiche de deux films : la comédie Photo de famille avec Vanessa Paradis, Jean-Pierre Bacri et Camille Cottin, et, ce mercredi, Le Vent tourne, drame rural de Bettina Oberli, avec Mélanie Thierry.
Rendez-vous en salles pour voir "Le Vent tourne" :